Thèse de doctorat en Sciences de la vie et de la santé
Sous la direction de Martine Maïbèche-Coisné et de David Siaussat.
Thèses en préparation à Paris, Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France , dans le cadre de École doctorale Agriculture, Alimentation, Biologie, Environnement, Santé (Paris ; 2015-....) , en partenariat avec IEES Paris - Institut d'Ecologie et des Sciences de l'Environnement de Paris (laboratoire) .
Les perturbateurs endocriniens (PEs) ont fait l'objet de bien des débats ces dernières décennies du fait des effets observés sur la santé et sur l'environnement. En effet, comme les PEs agissent sur le système hormonal, ils peuvent perturber de nombreux processus biologiques tels que le développement, la fécondité et le comportement. Parmi les PEs, le Phtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHP) est un plastifiant communément utilisé dans le monde, et retrouvé partout dans l'environnement. De nombreux effets du DEHP ont été observés chez les vertébrés tels que des pathologies du foie et des cancers, des malformations des organes génitaux, une réduction de la fécondité, des modifications hormonales, des perturbations du système immunitaire, des changements métaboliques et des troubles comportementaux. En revanche, peu d'études ont été faites chez les insectes, alors qu'ils représentent une grande part de la biodiversité animale et ont un rôle majeur dans les écosystèmes. Néanmoins, ces études observent différents effets du DEHP chez les insectes dont des perturbations du développement, de la fécondité et du système immunitaire et une modification de l'expression de gènes codant pour des récepteurs hormonaux. Dans ce contexte, l'objectif de ma thèse était d'étudier les effets du DEHP sur la noctuelle du coton Spodoptera littoralis. Les noctuelles ont un système olfactif très sensible, qui a été beaucoup étudié dans le cadre du développement de méthodes de biocontrôle. En effet, l'olfaction a un rôle majeur chez de nombreuses espèces, notamment pour la recherche de nourriture ou de partenaire sexuel. Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que le système olfactif était sous contrôle hormonal. En particulier, les ecdystéroïdes sont des stéroïdes, qui ont un rôle majeur dans le développement, la reproduction, l'olfaction et le comportement sexuel, par leur liaison avec le complexe récepteur : EcR (Ecdysteroid Receptor) USP (ultraspiracle). Comme le DEHP perturbe les voies de signalisation des stéroïdes chez les vertébrés, notre principale hypothèse était donc que le DEHP pouvait modifier le développement et le comportement sexuel chez S. littoralis, en interférant avec les voies de signalisation des ecdystéroïdes. L'exposition des larves au DEHP par ingestion induit des effets à la fois au stade larvaire et chez les adultes. Chez les larves, des doses faibles et intermédiaires de DEHP entraînent une augmentation de la consommation de nourriture sans effet sur la prise de poids et une modification du profil métabolique et une inhibition de l'expression du gène Usp juste avant la métamorphose. Chez les males adultes, pendant la scotophase, le DEHP entraîne une augmentation de la concentration hémolymphatique d'ecdystéroides pour la plus forte concentration et une inhibition générale de l'expression antennaires des gènes EcR, Usp et des gènes inductibles par les ecdystéroides (i.e. E75, E78, calmoduline). Des effets ont également été observés sur le comportement sexuel des mâles, mais uniquement pour quelques concentrations. En conclusion, nos résultats montrent que le DEHP perturbe des processus hormonaux-dépendant, tels que les taux d'hormones et l'expression de récepteurs hormonaux et serait par conséquent un perturbateur endocrinien chez S. littoralis. Nos résultats sont compatibles avec l'hypothèse que le DEHP serait un antagoniste de la 20-hydroxyecdysone, la principale forme active d'ecdystéroïdes. De plus, du fait de la variété des effets observés, il est probable que le DEHP perturbe différentes voies de signalisation comme cela est le cas chez les vertébrés. De plus amples études seraient nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes d'action du DEHP chez les insectes En particulier, le DEHP engendrant des effets retards sur les adultes exposés à l'état larvaire, il serait tentant d'émettre l'hypothèse que le DEHP induit des modifications épigénétiques chez les insectes, comme cela est supposément le cas chez les vertébrés
Effects of Bis (2-ethylhexyl) phthalate, a potential Endocrine Disrupting Chemical, on a terrestrial insect: The Egyptian cotton Leafworm Spodoptera littoralis Effets d'un potentiel perturbateur endocrinien, le Phtalate de bis(2-éthylhexyle), sur
Endocrine disrupting Chemicals (EDCs) have raised many concerns in the past decades as regards their effects on human health and the environment. Indeed, as EDCs target the hormonal system, they can affect many biological processes such as development, fecundity and behavior. Amongst EDCs, Bis (2-ethylhexyl) phthalate (DEHP) is a widely used plasticizer and is consequently present everywhere in the environment. In vertebrates, DEHP induces various effects including liver pathologies and carcinogenesis, gonad malformations, altered fecundity, hormonal modifications, immune defects, metabolic changes and even behavioral disorders. In contrast, few studies have been done on insects, while they represent most of animal biodiversity and play crucial roles in the ecosystems. However, various effects of DEHP on insects have already been reported, including modifications on development, fecundity and the immune system and altered expression of hormonal receptor genes. In this context, the aim of my thesis was to investigate the effects of DEHP on a pest moth, the Egyptian cotton leafworm Spodoptera littoralis. Moth species have been widely studied for their specific and sensitive olfactory system, in view of developing biocontrol tools. Indeed, olfaction is vital for many animal species, in particular for food foraging and mating. Besides, hormones, like ecdysteroids, have been observed to regulate olfaction. Ecdysteroids are steroids, which exert a critical role in development, reproduction, olfaction and sexual behavior, by binding to the receptor complex Ecdysteroid receptor (EcR) ultraspiracle (USP). Consequently, as DEHP was shown to alter steroid pathways in vertebrates, the main hypothesis was that DEHP could alter Spodoptera littoralis development and sexual behavior by interfering with ecdysteroid signaling pathways. By rearing larvae with DEHP-contaminated food and recording the effects on larvae and in the resulting adults, we found effects of DEHP exposure on both life-stages. In larvae, low and intermediate concentrations of DEHP induced an increase in food consumption with no effect on weight gain, together with a modification of the metabolic profile and a decrease of the Usp gene expression preceding metamorphosis. In adult males, we recorded the effects during the scotophase and found that DEHP induced an increase in the hemolymphatic ecdysteroid level for the highest dose and a general decreased expression of EcR, Usp and other ecdysteroidresponsive genes (i.e. E75, E78, calmodulin) in the antennae. Male sexual behavior was also affected at intermediate concentrations, albeit the effects were quite small and not occurring for every concentration. All in all, those results demonstrate that DEHP could be considered as an EDC in S. littoralis, since it affected hormonal dependent endpoints, in particular hormonal levels and hormone receptor gene response. Our results are consistent with the hypothesis that DEHP acts as an antagonist of the 20- hydroxyecdysone, the main biologically active ecdysteroid. Besides, given the variety of the observed results, DEHP would likely affect several pathways in insects, as observed in vertebrates. Further experiments would thus be required to investigate the possible mechanisms of action of this chemical on insects. In particular, as DEHP induced delayed effects on adults exposed to this chemical as larvae, it is tempting to hypothesize that DEHP could also induce epigenetic mechanisms in insects as it was suggested for vertebrates.