Thèse soutenue

L'administration des personnes déplacées dans les zones françaises d’occupation en Allemagne et en Autriche : une politique de la France en contexte de Guerre froide (1945-1951)
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Auteur / Autrice : Julia Maspero
Direction : Catherine Gousseff
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance le 09/12/2021
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Alain Blum
Examinateurs / Examinatrices : Alain Blum, Gerard Daniel Cohen, Patrick Farges, Aline Angoustures, Anouche Kunth
Rapporteurs / Rapporteuses : Gerard Daniel Cohen, Patrick Farges

Résumé

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À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, 8 millions de civils déplacés du fait de la guerre sont libérés en Allemagne, et un peu plus d’1 million en Autriche. L’administration de ces personnes déplacées (DPs, Displaced Persons) est une charge qui incombe aux trois occupants occidentaux de ces deux pays. Cette thèse étudie les politiques adoptées par l’un des pays occupants : la France.De 500 000 à la libération, les DPs, parmi lesquelles sont représentées plus d’une vingtaine de nationalités, ne sont plus que 65 000 fin septembre 1945 dans la zone d’occupation française en Allemagne, puis environ 20 000 en juillet 1950. En septembre 1950, il reste encore 12 000 personnes en zone française d’Autriche, contre environ 25 000 à l’automne 1945. Du printemps 1945 à la fermeture des services français en charge des personnes déplacées et réfugiées (PDR) en 1951, l’administration française des DPs a connu trois grandes phases : au regroupement des DPs, alors que les militaires français doivent improviser pour mettre de l’ordre dans le chaos de la sortie de guerre, succède le rapatriement comme réponse à la question DP tandis que les premiers pas des administrations PDR s’accompagnent du difficile partage de leurs responsabilités avec l’organisme onusien, l’UNRRA. Dans un troisième temps, le recrutement ou l’installation sur place des déplacés apparaissent comme des voies à suivre tandis que les autorités françaises tentent d’être autonomes vis-à-vis des autres occupants et de l’organisme qui prend la succession de l’UNRRA à la mi-1947, l’IRO. D’abord désintéressées de la question DP, les autorités françaises s’en emparent finalement pour limiter l’influence de l’UNRRA, organe principalement financé par les Américains et les Britanniques, et qui risquerait de fragiliser la légitimité de la France comme puissance occupante. Par ailleurs, pour la France, les DPs représentent une potentielle main-d’œuvre utile au pays. Aussi, suite à la signature le 29 juin 1945 d’un accord franco-soviétique de réciprocité dans les rapatriements, le retour des ressortissants français est conditionné par le rapatriement de tous les DPs revendiqués comme soviétiques par Moscou, ce qui inclut les Ukrainiens occidentaux et les Baltes. Cette situation oblige la France à choisir entre cet accord diplomatique et les engagements qu’elle a pris auprès des Nations unies en février 1946 protégeant les réfugiés réfractaires au rapatriement. Elle implique également la détermination de la nationalité des DPs et donc à définir sa position vis-à-vis de l’expansion soviétique à l’Ouest. De fait, la question des nationalités se retrouve au cœur du sort des DPs et des politiques nationales et diplomatiques de la France. L’assignation d’une nationalité à chaque DP oblige les Français à composer avec les pratiques bureaucratiques et le vocabulaire des divers acteurs impliqués dans l’administration de cette population : les DPs eux-mêmes, les officiers de rapatriement, les agents de l’UNRRA et de l’IRO, les divers services français fonctionnant en France, à Berlin et à Vienne et dans les zones. L’analyse de l’administration des DPs permet d’apprécier la place des zones d’occupation dans la diplomatie française en cette période de début de Guerre froide. Alors que les relations entre Paris et Moscou ou Varsovie sont paralysées, notamment après l’éviction des communistes du gouvernement et l’affaire Beauregard, les zones d’occupation françaises servent de zones de détente. Des contacts fréquents et des négociations en faveur des Malgré-nous y sont encore possible. En outre, entre 1949 à 1952, étant les seules zones d’Allemagne et d’Autriche à accueillir sans interruption les missions soviétiques, elles font office de pont entre l’Est et l’Ouest. La question DP permet donc de décentrer le regard traditionnel sur la place de la France dans la Guerre froide : jusqu’en 1952, dans ce régime de blocs, les Français ont cherché à construire une politique autonome et à rester à la marge