Thèse en cours

Comment le design pourrait-il ouvrir la réflexion dans le processus d'habitation des personnes souffrant de troubles psychiques ?

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Jeanne Sintic
Direction : Michela DeniMarine Royer
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Arts Appliqués : Design
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2023
Etablissement(s) : Nîmes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Risques et Société
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : PROJEKT (Nîmes)

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

Les études menées dans le domaine de la phénoménologie psychiatrique soulignent la difficulté des personnes vivant avec des troubles psychiques à habiter, c'est-à-dire à exister en elles-mêmes dans leur environnement et avec autrui (Heiddegger, 1958). Ainsi, « La capacité d'habiter “chez soi” dépend de la faculté d'habiter “en soi”, et les troubles psychiques modifient profondément la perception que l'on a de soi, car le continuum de ces expériences intimes, perturbées par le délire, modifie dans leurs fondements même les habitudes de la vie quotidienne.». (Bouillon, Girard, & Musso, 2007). Le design, en tant que discipline, interroge sans cesse nos manières “d'être au monde”, notamment dans notre sphère intime, nos relations aux choses, aux logis et aux personnes qui nous entourent. Ainsi, il peut éclairer nos façons d'habiter. Selon Heidegger, “habiter” est une manière d'exister (Heidegger, 1958). En ce sens, c'est une manière d'exprimer son moi intérieur, à travers des objets, des espaces et des habitudes. Lorsque l'on “habite” un espace, on lui donne du sens, et, en retour, il nous permet aussi de nous donner sens, de nous construire (Willis, 2006). Toutefois, l'intervention des objets dans notre cadre de vie intime n'est pas neutre, elle suscite une factitivité de ceux-ci, c'est-à-dire une manipulation qui influence nos comportements en relation à l'espace et aux autres sujets présents dans ce même espace (Deni, 2005). En effet, la théorie de l'ontological designining souligne les influences et les modifications perpétuelles engendrées par les objets qui nous environnent sur nos façons “d'être au monde” (Willis, 2006). Notre être s'exprime donc notamment via le choix des objets et de l'aménagement de nos intérieurs et, réciproquement, ces objets et environnements influencent nos manières d'exister. Chaque artefact remodèle notre façon de vivre. Ainsi, depuis la révolution industrielle, la production massive d'objets manufacturés a influencé la standardisation progressive de nos façons d'être et l'uniformisation de nos modes de vie (Roy, 2022). Notamment conçue par des designers, la rationalisation, nécessaire à la fabrication en série, engendre une “normalisation” de la vie quotidienne. Cependant, de quelle manière peut-on habiter lorsque notre appréciation de la réalité, c'est-à-dire notre rapport instinctif au réel, est diagnostiquée par la communauté médicale comme pathologique (voix, bouffées délirantes, angoisses) ? Cette recherche portera sur l'accompagnement des personnes soignées en psychiatrie durant les moments de transition entre l'hospitalisation, les soins ambulatoires et le domicile. Comment le designer peut-il soutenir le rétablissement des personnes vivant avec des troubles psychiques grâce à un effort de réhabilitation de leur environnement de vie ? Ce travail aura pour but, d'une part, d'appréhender et saisir la diversité des façons d'habiter pour des personnes vivant avec des troubles psychiques. Et d'autre part, de soumettre à la communauté de chercheurs et chercheuses une approche en design qui pourrait ouvrir les formes de “l'habiter” afin de permettre l'hétérogénéité des manières et formes de construction de l'habitation. La recherche-projet (Findeli, 2015) s'appuiera sur une collaboration avec deux terrains distincts. Le terrain principal sera le secteur du XXe arrondissement de Paris du GHU Paris psychiatrie et neurosciences et l'équipe pluridisciplinaire ELIAHS 20 intervenant à domicile. Et le terrain secondaire sera l'hôpital de Dikemark à Oslo et l'équipe mobile de réadaptation après l'hospitalisation sous contrainte. Ces immersions permettront la collaboration et la co-conception avec les personnes impliquées, tant les personnes vivant avec troubles psychiques que les membres des équipes soignantes. L'exploration des processus de “l'habiter” me permettra de mettre en perspective mes questionnements en appréhendant des situations d'intervention des équipes de soins. Il s'agira, notamment, de comprendre ce qui constitue ou ce qui empêche le sentiment d'habiter afin de caractériser ces processus et de les typologiser. Dans un second temps, l'objectif sera de questionner la capacité du design à proposer des outils d'auto-détermination pour les personnes dans leur façon d'habiter. Cette thèse abordera donc des questionnements à la jonction du soin hospitalier et de l'habitabilité des cités.