Thèse en cours

Entre médicalisation et réalisation de sa fin de vie : La difficile tâche de l'anticipation des Soins Palliatifs en France

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Auteur / Autrice : Simon Piroddi
Direction : Jean-Christophe MarcelJean-Pierre Quenot
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sociologie
Date : Inscription en doctorat le 15/11/2022
Etablissement(s) : Bourgogne Franche-Comté
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, Espaces, Pratiques, Temps (Dijon ; Besançon ; 2017-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches 'Sociétés, Sensibilités, Soin'

Mots clés

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Résumé

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Il existe un clivage entre l'approche de la fin de vie prônée en soins palliatifs et les souhaits de la population général (1). Nombreux sont les patients ou les familles des patients à considérer qu'ils devraient pouvoir bénéficier d'une aide active à mourir au moment de la fin de vie. L'approche des soins palliatifs vise elle au contraire à respecter le temps imparti à la fin de vie afin d'y insuffler un sens et d'assurer un accompagnement approprié tout en veillant à limiter le plus possible les symptômes désagréables. Il est à noter que cette distinction ne va pas de soi en population générale, ni même chez les soignants chez qui il existe un débat afin de savoir si oui ou non les soins palliatifs sont compatibles avec les pratiques euthanasiques. Nous nous baserons ici sur la ligne défendue par la SFAP (Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs), qui questionne ce souhait de légaliser l'euthanasie et cherche plutôt à augmenter les moyens alloués aux équipes de soins palliatifs. Plusieurs mécaniques sont à l'œuvre derrière cette recherche de contrôle de la fin de vie par l'euthanasie : - La peur d'être une charge pour ses proches et la société, avec sentiment de perte de sens, peur d'affronter l'épreuve de la fin de la vie, des symptômes et de la douleur. L'euthanasie apparait alors comme un moyen accessible facilement pour échapper à cette épreuve, contrôler les choses jusqu'au bout. - Une diffusion d'une conception libérale de la liberté qui conduit à voir la mort comme un droit individuel plutôt que comme une fatalité universelle, et vient s'opposer à la notion d'autonomie qui elle met plus l'accent sur l'interdépendance des individus et de leurs libertés propres (2). - Une désocialisation du grand âge et de la fin de vie avec à nouveau ici une perte de sens par désinvestissement social, une forme de déni social de la mort (3). - On peut évoquer aussi un glissement dans les pratiques spirituelles avec un passage d'une conception hétéronormative à autonormative qui vient renforcer l'approche libérale de la liberté (4). - Une judiciarisation progressive de la question de la fin de vie qui est tout autant un symptôme qu'une cause de l'accroissement de ce clivage (5) (6). A ce jour, la pression afin de légaliser une forme d'euthanasie (AMM, Suicide assisté, …) n'a jamais été aussi forte en France. Les corps soignants, notamment en Soins Palliatifs s'attendent à une légalisation prochaine, comme en atteste d'ailleurs le récent avis 139 du Comité Consultatif National d'Ethique qui vise à ouvrir le débat sur cette question (8). Certains pays comme les Pays Bas, la Belgique, la Suisse ou le Canada ont déjà opté pour des pratiques encadrant l'euthanasie depuis un certain nombre d'année (2002 pour la Belgique, 2016 pour le Québec). Les retours d'expériences sont nombreux et riches et laissent entrevoir une complexité certaine à la mise en œuvre de ces dispositifs, avec des questionnements multiples, des soignants mis à mal dans leurs convictions et leurs valeurs, ainsi que des problématiques éthiques majeures (7) (8). Les débats qu'occasionnent ces différentes considérations autour de la fin de vie permettent jusqu'ici de mettre en évidence le manque de moyens médicaux et soignants afin d'assurer une qualité de fin de vie suffisante en population générale. Il est intéressant de noter que dans une étude récente la qualité de la fin de vie est d'ailleurs jugée plus satisfaisante France qu'au Canada et qu'en Belgique (9), mais moins qu'en Suisse. On en vient naturellement à se poser cette question : L'euthanasie répond-elle vraiment de manière satisfaisante à ce besoin de qualité de la fin de vie ? Et pour citer Tanguy CHATEL lors du congrès de la SFAP en 2022 : « La société doit-elle se résoudre à l'impuissance à soulager autrement qu'en mettant un terme à l'existence ? » Et finalement, n'est-il pas vain quelque part de chercher à vouloir soulager toute forme de souffrance ? Notamment dans les situations de fin de vie ou celle-ci revêt le sens de la perte d'un être cher, et est utile à assurer une transition par le deuil (10). Mais alors que proposer face à cette demande pourtant pressante de la population générale de légaliser l'euthanasie ? Dans un travail de thèse récent, il a été montré un impact de la prise en charge palliative vis-à-vis de l'opinion sur l'aide médicale à mourir : Les proches dont un patient avait bénéficié d'une prise en charge palliative étant globalement moins dans cette demande d'une légalisation de l'euthanasie (11). Et il était noté que plus cette prise en charge avait été longue, moins ce besoin de légalisation se faisait sentir. Depuis une dizaine d'année, les études s'accordent sur l'intérêt d'anticiper au maximum l'introduction des prises en charge palliatives dans les parcours de soins autour des maladies graves, allant jusqu'à parfois conseiller une introduction dès le diagnostic (12). Il a été montré un bénéfice en termes de qualité de vie, une réduction des symptômes et du syndrome dépressif, une augmentation de la survie globale, une amélioration de la qualité de vie des proches ainsi qu'une réduction des coûts de santé directs (13). Jusqu'ici, en France, les soins palliatifs sont anticipés essentiellement en oncologie, à travers la promotion des soins de supports (14). Il s'agit d'un autre champ disciplinaire qui a investi cette question de l'accompagnement précoce dès le diagnostic de cancer. Mais il reste la question de l'anticipation dans l'accompagnement des maladies d'insuffisance d'organe et des troubles neuroévolutifs. Comment déployer une approche précoce dans ces disciplines ? Quels en sont les points d'accès ? Les freins ? Cette question vient nécessairement poser la question de l'impact de la médicalisation sur le vécu de la fin de vie. Les soins palliatifs investissent ce champ depuis maintenant plus de quarante ans, en étant tout autant spectateurs qu'artisans d'un changement dans le rapport social à la mort. 1. Hertement E, Brunet M. Sondage exclusif : la majorité des professionnels en soins palliatifs sont opposés à l'euthanasie [Internet]. 2022 [cité 25 oct 2022]. Disponible sur: https://www.marianne.net/societe/sante/fin-de-vie-la-grande-majorite-des-soignants-sont-opposes-a-leuthanasie-selon-un-sondage 2. Penser la fin de vie de Jacques Ricot [Internet]. Les Presses de l'EHESP. [cité 29 juin 2022]. Disponible sur: https://www.presses.ehesp.fr/produit/penser-fin-de-vie/ 3. Livre : La solitude des mourants, par Norbert Elias [Internet]. [cité 25 oct 2022]. Disponible sur: https://www.philippefabry.eu/livres.php?livre=19 4. SlideMeet [Internet]. [cité 30 juin 2022]. Disponible sur: https://slidemeet.openslideservices.com/22SFAP/session/ee677efc-b3ef-4ed6-8b2e-9dcf085033db 5. LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (1). 2005-370 avr 22, 2005. 6. LOI n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (1). 2016-87 févr 2, 2016. 7. Décryptage des expériences internationales. [Internet]. 2022 [cité 30 juin 2022]. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=mz1vVEcm25I 8. Avis 139 Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité | Comité Consultatif National d'Ethique [Internet]. [cité 25 oct 2022]. Disponible sur: https://www.ccne-ethique.fr/node/529 9. Finkelstein EA, Bhadelia A, Goh C, Baid D, Singh R, Bhatnagar S, et al. Cross Country Comparison of Expert Assessments of the Quality of Death and Dying 2021. J Pain Symptom Manage. 1 avr 2022;63(4):e419 29. 10. Pott M, Dubois J, Currat T, Gamondi C. Les proches impliqués dans une assistance au suicide. Rev Int Soins Palliatifs. 2011;26(3):277 86. 11. Burguière L. Impact des soins palliatifs sur l'opinion vis-à-vis de l'aide médicale à mourir : étude transversale analytique comparative = Influence of palliative care on opinion regarding physician-assisted dying : a comparative analytical cross-sectional study [Internet]. Limoges; 2021 [cité 29 juin 2022]. Disponible sur: http://aurore.unilim.fr/ori-oai-search/notice/view/unilim-ori-117108 12. Haun MW, Estel S, Rücker G, Friederich HC, Villalobos M, Thomas M, et al. Early palliative care for adults with advanced cancer. Cochrane Database Syst Rev. 12 juin 2017;6:CD011129. 13. Bouleuc C, Burnod A, Angellier E, Massiani MA, Robin ML, Copel L, et al. Les soins palliatifs précoces et intégrés en oncologie. Bull Cancer (Paris). 1 sept 2019;106(9):796 804. 14. Vers une approche palliative précoce pour les patients adultes atteints de cancer - AFSOS [Internet]. Association Francophone des Soins Oncologiques de Support. [cité 29 juin 2022]. Disponible sur: https://www.afsos.org/fiche-referentiel/associer-approche-palliative-specialisee-patients-adultes-atteints-de-cancer/