Thèse en cours

Traitement et expression de l'incertitude scientifique dans les médias audiovisuels en France
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Auteur / Autrice : Penelope Selhausen-kosinski
Direction : Stéphane Dufour
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences de l'information et de la communication
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2022
Etablissement(s) : Université de Lorraine
Ecole(s) doctorale(s) : HNFB - Humanités Nouvelles-Fernand Braudel
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CREM - Centre de Recherche sur les Médiations
Equipe de recherche : Praxis

Résumé

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Cette recherche consiste à analyser les discours à propos de sciences dans les médias en France, des années 1960 à aujourd'hui, afin d'interroger quelles modalités les incertitudes scientifiques y sont traitées et exprimées. Elle s'inscrit plus largement dans l'étude de la légitimation de la science et de ses acteurs, dans la mesure où les médias constituent des « vecteurs de légitimité culturelle » (Rieffel, 2005 : 331). Ce questionnement émane d'une tension au sein de la revue de la littérature en Sciences de l'information et de la communication : alors que l'incertitude est inhérente à l'activité scientifique, les médias tendraient à passer sous silence ou à réduire l'incertitude. Le caractère non seulement irréductible mais également heuristique du doute au sein du processus de construction de la connaissance est mis en avant par de nombreux scientifiques et épistémologues (e.g Popper, 1973/1ère éd. 1934 ; Morin, 1977 ; Troubé, 2002). Il est d'ailleurs repérable et valorisé dans les écrits scientifiques primaires (Sionis, 2002 ; Vold, 2008 ; Rinck, 2010). Or, il semblerait que dès lors diffusés à un public élargi dans les médias, les savoirs scientifiques seraient présentés comme aboutis, contrairement au discours universitaire qui intègre leur caractère provisoire et mouvant (Brasquet-Loubeyre, 1994). Des contraintes structurelles favorisaient un effet de loupe, afin de répondre la recherche de réassurance par journalistes comme par publics qu'ils imaginent (Sicard, 1997 ; Dumas-Mallet, 2019). Il y aurait également, au-delà des contraintes économiques et formelles du journalisme, une différence culturelle trop importante entre les sphères médiatique et scientifique, résultant en une incompréhension (Kugler, 1995 : 2). Cette hypothèse de départ impulse et justifie cette étude, qui vise dans un premier temps à identifier l'expression (modus) et le traitement (dictum) des incertitudes scientifiques dans les médias audiovisuels nationaux, par l'analyse du discours (Charaudeau, Maingueneau et Adam, 2002 ; Maingueneau, 1979 ; 2016…) prenant en compte le contenu et l'énonciation (Bardin, 2013/1ère éd. 1997). Il s'agira ensuite de comprendre les raisons infléchissant les-dites modalités d'expression au moyen d'entretiens semi-directifs auprès des professionnels de l'espace médiatique et de scientifiques parfois invités à s'y exprimer. Nous prenons pour objet la radio et la télévision en raison de leurs spécificités comparables en termes de formes d'expression de l'incertitude (éléments linguistiques, prosodie, gestuelle, relations instaurées au sein des situations d'énonciation, relations entre les dimensions orale et écrite des émissions). La spontanéité du discours oral dans le cas des émissions en direct permettrait également de saisir une incertitude moins maîtrisée que dans un texte écrit. La perspective diachronique de cette étude permettra de déceler d'éventuelles évolutions de traitement de l'incertitude scientifique, grâce à corpus couvrant la période 1960-2023. Les années 1970, à la suite de désillusions sociales, politiques, ou techniques, à la suite de bouleversements épistémologiques, auraient inauguré une ère de la post-modernité, érodant les certitudes (Lyotard, 1979 ; Prigogine et Stengers, 1996 ; Troubé 2022). Aujourd'hui, les incertitudes se déploieraient dans le débat public, les discours de vulgarisation et la sphère médiatique (Grison, 2015 : 41) principalement sous la forme des controverses scientifiques et techniques. Après avoir été relativement tues, elles seraient attisées, parfois à dessein, afin de discréditer les connaissances scientifiques et de les assimiler à des opinions (Girel et Proctor, 2013). La mise en exergue de l'incertitude est ainsi une stratégie de communication visant à « décrédibiliser ou semer le doute, et brouiller le vrai du faux » (Libaert et Allard-Huver, 2014 : 91).