Thèse soutenue

La dimension du thérapeute dans l’efficacité de la prise en charge EMDR du trauma : la dimension oubliée ? : projet DETECT-EMDR

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Juliette Machado
Direction : Cyril TarquinioChristine Rotonda
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie
Date : Soutenance le 25/03/2024
Etablissement(s) : Université de Lorraine
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale SLTC - Sociétés, Langages, Temps, Connaissances (Nancy ; 2013-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : INterdisciplinarité en Santé Publique Interventions et Instruments de mesure complexes – Région Est
Jury : Président / Présidente : Pascale Desrumaux
Examinateurs / Examinatrices : Cyril Tarquinio, Christine Rotonda, Andrea Soubelet, Alain Somat, Christian Heslon
Rapporteurs / Rapporteuses : Andrea Soubelet, Alain Somat

Résumé

FR  |  
EN

Introduction : Les études d’efficacité résument souvent l’EMDR à l’application stricte du protocole standard mais la plupart des thérapeutes, dans leur pratique clinique, prennent des libertés plus ou moins importantes pour rester au plus proche de leurs patients. La clinique de l’activité, une branche de la psychologie du travail, étudie couramment ce delta entre ce qui est prescrit (le protocole) et ce qui est réalisé (la psychothérapie telle qu’elle est effectuée). Plus encore, elle stipule que c’est dans l’interaction entre les deux que le cœur du métier se révèle. L’originalité de cette recherche est d’étudier la psychothérapie EMDR en la considérant comme une situation professionnelle, en empruntant des méthodologies à la clinique de l’activité. L’objectif de cette recherche est de faire émerger certaines dimensions spécifiques de la psychothérapie EMDR entre l’application stricte du protocole standard et l’application telle qu’elle est couramment réalisée.Méthode : Pour ce faire, 10 patients ont été pris en charge en EMDR suivant deux conditions d’application du protocole standard :- Une application stricte, où les thérapeutes ont la consigne de respecter scrupuleusement le protocole standard, ainsi qu’il est d’usage de le faire en condition de recherche : groupe Strict-EMDR (n=4 patients)- Une application dite libre, où il est demandé aux thérapeutes de prendre en charge leurs patients comme ils font habituellement : groupe Libre-EMDR (n=6)Toutes les séances de psychothérapie ont été filmées. Les vidéos ont été ensuite analysées suivant le dispositif méthodologique emprunté à la clinique de l’activité de l’autoconfrontation simple des données. Ont été également évalués différents indicateurs de santé perçue, l’alliance thérapeute et le processus psychothérapeutique lui-même.Résultats : Nos résultats n’indiquent aucune différence selon le type d’application du protocole standard. La phase de désensibilisation apparaît comme une phase pivot au cours du protocole standard, avec une inversion des dynamiques : la technique, essentielle pour structurer la pratique, doit à ce stade s’effacer pour laisser faire le processus, particulièrement en se mettant à l’écoute et dans l’observation de ce qui se joue chez le patient mais aussi chez le thérapeute lui-même. Le thérapeute, par sa posture, se met au service de sa méthode, et c’est par cette posture que la méthode peut espérer être efficace. D’autres dimensions émergent, telles que le rapport au temps, mais aussi ce qui s’apparente au style du thérapeute, dans ce qu’il se dit dans son intériorité (images mentales, questions, stratégies envisagées...).Discussion : Le métier de psychothérapeute se définit par la création d’un même univers de représentation permettant de mettre l’émotionnel et le sensoriel au cœur du processus psychothérapeutique, à la fois dans l’investigation que le patient va en faire, mais aussi en tant que feedback ressenti chez le thérapeute pour se connecter à son patient, jusqu’à parfois pouvant s’apparenter à un processus purement intuitif. Le métier de psychothérapeute, c’est aussi créer un espace-temps propice à l’introspection du patient, à la fois en termes de planification et de structuration du traitement, mais surtout dans la nécessité, en phase de désensibilisation particulièrement, de laisser faire le processus. Cela s’apparente à un véritable état d’être, plus qu’à un savoir-faire.Conclusion : Cette recherche a permis de se saisir du cœur de l’activité psychothérapeutique, grâce à une méthodologie innovante dans ce domaine, loin des designs épurés des essais contrôlés randomisés. Elle est la preuve qu’il est possible de répondre aux critères de scientificité tout en osant la bascule épistémologique, en remettant le psychothérapeute au centre du dispositif, celui qui était le grand oublié des designs de recherche. C’est faire le pari de la complexité pour observer un objet d’étude, lui aussi complexe.