Projet de thèse en Histoire
Sous la direction de Stéphanie Sauget et de Robert Beck.
Thèses en préparation à Tours , dans le cadre de Humanités et Langues - H&L , en partenariat avec Centre tourangeau d'histoire et d'étude des sources (Tours, Indre-et-Loire) (laboratoire) depuis le 17-10-2019 .
La Révolution est une période de bouleversement considérable, une époque indissoluble de troubles et d'avancées politiques, constitutive d'une histoire nationale et collective pour ne pas dire universellement française. Elle est une période riche, formidable, clivante ; riche par ses événements historiques ; formidable pour ses progrès sociaux et politiques ; clivante en raison des divisions qui, aujourd'hui encore, animent les débats et les discussions historiques. À Paris, comme partout en France, voire en Europe, la Révolution laisse des traces profondes de ce désir d'antan, spontané, brutal, à vouloir changer le cours de l'histoire. La Révolution est devenue l'un de ces moments clé du roman national : « un réservoir inépuisable de fantasmes et d'idées reçues » (J.-C. Martin, Idées reçues sur la Révolution française, 2021), aussi bien perçus que mal interprétés par ses sympathisants et ses victimes. Et parmi les « victimes » de la Révolution : l'Église, ses ecclésiastiques et ses fidèles figurent en tête de liste. Dès 1789, tout le « peuple », toutes les catégories sociales de la société française d'Ancien Régime, les nobles, les bourgeois, les religieux, les paysans, le roi, se retrouvent, de près ou de loin, touchées par une Révolution aussi bien multisclaire que soudaine. En Touraine, elle se développe avec passion et fracas. Les premiers mois révolutionnaires montrent un cheminement historique influencé par les événements vécus à la capitale. L'Église est au centre des discussions politiques. Grand enjeu de la Révolution, les biens nationaux, la normalisation des espaces religieux et la laïcisation d'une société encore très catholique perturbent des coutumes et des traditions séculaires bien ancrées en Touraine. C'est ce bouleversement religieux et sociétal qui marque le point de départ de mon étude. Ainsi, pour résumer simplement mon projet de thèse, il s'agit d'étudier l'évolution des sensibilités et des pratiques religieuses dans cette province la Touraine de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle profondément marquée par la Révolution. Mon approche se veut d'ordre historique, social et anthropologique. Elle cherche à intégrer le large champ historiographique des religions et de la Révolution une historiographie récemment mise à jour par P. Bourdin et P. Boutry (« L'Église catholique en Révolution : l'historiographique récente », Annales historiques de la Révolution française, 2009). Je cherche à mettre le « peuple » au centre de mon analyse. Entendons par « peuple » : les chrétiens et les autres, les laïcs et les religieux, les croyants et moins croyants, les catholiques et les révolutionnaires, ceux des villes et ceux des campagnes. Éloignée d'une histoire institutionnalisée de l'Église et du clergé, mon enquête se penche sur le quotidien des fidèles, des moins fidèles et de la pluralité des sensibilités révolutionnaires à l'égard de l'évolution des pratiques cultuelles. De la dévotion des fervents chrétiens à la pratique traditionnelle de la religion, voire celle des nouveaux cultes nés de la Révolution, mes travaux tendent à montrer comment cette période historique met le sens religieux des populations tourangelles à l'épreuve du Temps. Qui sont les fidèles de 1789 ? Sont-ils ces « fanatiques » dénoncés par la Convention ? Sont-ils toujours vraiment ces chrétiens dévots, pratiquants, ou sont-ils de nouveaux croyants régénérés, patriotes, en voie de devenir cette future souche de l'athéisme d'aujourd'hui ? Comment vivent-ils leur foi, les mesures et la radicalisation anticléricale ? Surtout, comment pratiquent-ils leur culte, la messe, les sacrements, les fêtes révolutionnaires ? Quelles visions, quels sentiments, quelles émotions perçoivent-ils de ces soudains changements ? Comment vivent-ils la normalisation de leurs espaces cultuels, la transformation des églises, et l'interdiction du culte dans une société qui se dit ouverte à la liberté de croyance ? En définitive, une multitude de problématiques alimente mon enquête historique. Pour tenter de répondre à ces questions, je m'appuie sur un nombre considérable de sources. Qu'elles soient ecclésiastiques, révolutionnaires ou particulières, les archives (essentiellement nationales, départementales et municipales) et la riche bibliographie sur cette période sont tant d'éléments qui, modestement, me permettent de construire non pas un récit nouveau, mais, plutôt, une vision locale « rafraichissante ». En plus de ces sources, je peux compter sur une direction de recherches attentionnée, soucieuse d'une enquête complète et équilibrée, composée de S. Sauget et de R. Beck.
Christians and the "people":Religion, religiosity and cult practices in revolutionary Touraine (Late 18th and early 19th century)
The Revolution was a period of considerable upheaval, an indissoluble period of political unrest and progress, constituting a common and national - not to say universally French - history. It is a rich, formidable, divisive period; rich in its historical events; formidable in its social and political progress; divisive because of the divisions that still animate historical debates and discussions today. In Paris, as everywhere else in France and even in Europe, the Revolution left deep traces of the spontaneous and brutal desire to change the course of history. The Revolution has become one of the key moments of the national story: "an inexhaustible reservoir of fantasies and received ideas" (J.-C. Martin, Idées reçues sur la Révolution française, 2021), both perceived and misinterpreted by its supporters and victims. And among the 'victims' of the Revolution: the Church, its clergymen and its faithful are at the top of the list. From 1789 onwards, all the "people", all the social categories of French society under the Ancien Régime, the nobles, the bourgeois, the clergy, the peasants and the king, found themselves, from near or far, affected by a Revolution that was both multi-sided and sudden. In Touraine, it developed with passion and fury. The first few months of the Revolution were influenced by events in the capital. The Church was at the centre of political discussions. The major issue of the Revolution was national property, the normalisation of religious spaces and the secularisation of a society that was still very Catholic, disrupting age-old customs and traditions that were well established in Touraine. It is this religious and societal upheaval that marks the starting point of my study. Thus, to summarise my thesis project simply, it is a question of studying the evolution of religious sensibilities and practices in this province - Touraine at the end of the eighteenth and beginning of the nineteenth centuries - a province deeply marked by the Revolution. My approach is historical, social and anthropological. It seeks to integrate the broad historiographical field of religions and the Revolution - a historiography recently updated by P. Bourdin and P. Boutry (L'Église catholique en Révolution: l'historiographique récente, Annales historiques de la Révolution française, 2009). I seek to put the 'people' at the centre of my analysis. By 'people' I mean: Christians and others, lay and religious, believers and the less religious, Catholics and revolutionaries, those in the cities and those in the countryside. Far from an institutionalised history of the Church and the clergy, my investigation looks at the daily life of the faithful, of others, and of the plurality of revolutionary sensibilities and religious practices. From the devotion of fervent Christians to the traditional practice of religion, and even to the new cults born of the Revolution, such as that of the Supreme Being, my work tends to show how this historical period put the religious sense of the people of Tours to the test of time. Who are the faithful of 1789? Are they the "fanatics" denounced by the Convention? Are they still really devout, practising Christians, or are they new, regenerated, patriotic regenerated, patriotic believers, on their way to becoming the future strain of today's atheism? How do they live their faith, the measures and the anticlerical radicalisation? Above all, how do they practice their religion, the mass, the sacraments, the revolutionary festivals? What visions, feelings and emotions do they perceive from these sudden changes? How do they experience the normalisation of their worship spaces, the transformation of churches, and the ban on worship in a society that claims to be open to freedom of belief? All in all, a multitude of issues are open to us and fuel this fascinating historical investigation. To answer these questions, I have drawn on a considerable number of sources. Whether they are ecclesiastical, revolutionary or private, the archives (essentially national, departmental and municipal) and the rich bibliography on this period are so many elements which, modestly, allow me to construct not a new narrative, but rather a 'refreshing' local vision. In addition to these sources, I can count on the attentive research direction of S. Sauget and R. Beck, who are concerned with a complete and balanced investigation.