Thèse en cours

La protection des associés des sociétés commerciales en droit OHADA : Contribution du droit français

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Auteur / Autrice : Ibrahim Lawali tassiou
Direction : Evelyne MicouSouleymane Toe
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit privé
Date : Inscription en doctorat le 17/09/2019
Etablissement(s) : Perpignan
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale INTER-MED (Perpignan ; 2011-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche sur les Sociétés et Environnements en Méditerranée

Résumé

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En général, le point de départ de toute société exige un acte de volonté qui peut être collectif ou unilatéral. En effet, la société peut être perçue comme un contrat qui, pour être valable, doit répondre aux conditions de validité de tout contrat (droit commun des contrats) d'une part et d'autre part à des conditions propres au droit des sociétés . En outre sa naissance à la vie juridique conduit à l'accomplissement de certaines formalités dont la plus importante reste et demeure celle de l'immatriculation au RCCM. En réalité, cette immatriculation offre la personnalité morale à la société. Ainsi, toute société en tant qu'être collectif doit fonctionner. Ce fonctionnement est assuré en principe d'une part par les associés ayant apporté à la société des capitaux et d'autre part par les dirigeants qui ont en charge de diriger la société et de la représenter . Ces derniers, pour mieux les appréhender, il est judicieux de se référer à certains critères d'identification comme celui décisionnel et de celui de détention de pouvoir. La qualification de dirigeant social est un attribut jurisprudentiel. Par conséquent, la notion de dirigeant social est le fruit d'un arrêt rendu par la chambre criminelle de la cour de cassation française.Il faut souligner que le droit OHADA et le droit Français ont le même objectif celui de sécuriser le monde des affaires afin de le rendre plus attractif et de sanctionner les fautifs. Cependant, il faut noter que dans l'espace OHADA, les Etats se retrouvent dans une situation d'impasse, c'est-à-dire dans un contexte de forte compétition. Pour ce faire, il fallait pour ces Etats créer un cadre d'intégration juridique régionale en sécurisant et en simplifiant le droit des sociétés afin de mieux faciliter les investissements . De ce fait, il est impératif pour eux de créer un espace juridique intégré nécessaire pour remédier à la diversité juridique et à l'insécurité judiciaire, en vue de mettre en place des procédures judiciaires appropriées et d'encourager le recours à l'arbitrage. C'est certainement ce qui a incité un auteur à affirmer que : « L'OHADA vise à garantir une sécurité juridique et judiciaire au sein de ses États parties afin de promouvoir l'investissement » . L'objectif de l'OHADA étant de rendre la justice plus efficace et de faciliter les échanges commerciaux entre les États membres de l'OHADA. Mais il faut retenir qu'en droit français la vision n'est pas la même. Car en France, le droit évolue sur tous les plans constamment dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins qui s'imposent. Cependant, les deux droits visent tout de même d'un point de vue global d'assurer la sécurité judiciaire et de créer un climat favorable aux affaires commerciales. Pourtant cela ne peut être possible que dans la mesure où mesures les investisseurs (associés) seront protégés de la période allant de la constitution jusqu'au fonctionnement de la société commerciale. Pour ce faire, il convient de s'interroger de savoir si les deux droits protègent-ils suffisamment les associés des sociétés commerciales face à la violation de leurs droits ? Pour tenter de répondre à cette interrogation, il est judicieux au regard du droit français et du droit OHADA de mettre l'accent d'une part sur les mécanismes de protection de ces associés et d'autre part sur les fautes relatives à la violation de leurs droits. Les deux droits possèdent des mécanismes de protection des associés des sociétés commerciales qui sont quasi-identiques. Ainsi le droit français comporte non seulement des principes propres aux grandes sociétés de protection des associés à travers l'alerte du commissaire aux comptes mais également des principes généraux de protection de ces associés par le biais de l'information et de l'expertise. Le recours à un commissaire aux comptes dans les grandes sociétés est en principe obligatoire. De plus en plus nous assistons à une probable coordination entre le droit des sociétés et celui des entreprises en difficulté à travers précisément l'alerte du commissaire aux comptes . Cela se justifie par le rôle déterminant que le commissaire aux comptes est tenu de jouer surtout à travers la dénonciation ou dans une certaine mesure lorsqu'il se trouve dans la situation où il est contraint de procéder obligatoirement à la convocation de l'assemblée générale dans les cas prévus par la loi. En droit français, il existe des systèmes de prévention et de détection des anomalies au sein des sociétés commerciales. Ces systèmes sont multiples et variés. Il s'agit de mécanismes permettant de signaler tout fait susceptible d'affecter la continuité de l'exploitation de la société commerciale : l'alerte. Celle-ci peut être déclenchée par plusieurs instances. En effet, le déroulement des alertes peut être déclenché par les associés, par le comité d'entreprise ou des délégués du personnel, par les présidents de tribunaux et dans d'autres cas par des groupements de prévention agréé et celui du commissaire aux comptes. En ce qui concerne l'alerte des associés en droit français comme en droit OHADA, ils disposent d'un droit absolu quant à l'accès à l'information. Pour ce faire, en vertu de ce droit, ils peuvent demander tout dirigeant ou gérant d'une société commerciale sur la gestion proprement dite de la société tout en respectant certains critères. Ceux-ci sont énumérés par le droit français dans les articles L. 225, 232, 233, 236 du code de commerce et par le droit OHADA par les articles 150 et 157 de l'acte uniforme . Au regard de ces deux droits, l'alerte des associés se déroule suivant deux phases : l'étape du questionnement des dirigeants par les associés dans un contexte très précis et l'étape de réponses apportées par ces dirigeants. Retenons qu'au regard du droit OHADA, ce droit d'alerte des associés n'est soumis à aucune exigence concernant le quota d'associés alors qu'en droit français conformément aux articles du CC cités précédemment, les associés ou actionnaires doivent être au moins détenteur d'un vingtième du capital social pour pouvoir valablement agir. Puis il existe l'alerte par le comité d'entreprise qui semble être en droit français comme un droit d'alerte dans l'intérêt des salariés et ce conformément au code du travail en ces articles L.2323-78 et L.2323-14 et au code de commerce en son article L.234-3. Cet intérêt pour les salariés s'explique par le fait que toute difficulté qui affecte une société commerciale aura sans nul doute des répercussions sur leurs salaires. En ce qui concerne l'alerte des présidents des tribunaux, elle permet au président du tribunal compétent pour les affaires commerciales de pouvoir convoquer le dirigeant. En effet il dispose de cette prérogative. Quant à l'alerte du commissaire aux comptes, elle s'effectue suivant plusieurs phases. Il convient de souligner que les deux droits ont en commun l'alerte du commissaire aux comptes et celle des associés. Toutes ces alertes ont pour but le maintien des activités de la société commerciale. Le commissaire aux comptes dans le cadre de l'exécution de ses missions notamment en matière de procédure d'alerte, la loi lui confère la possibilité de s'adresser aux dirigeants des sociétés en leur demandant soit des précisions ou des demandes d'explications face à certains agissements constatés pouvant compromettre la continuité des activités de la société. S'agissant de la demande d'explication, le commissaire aux comptes doit adresser une lettre avec accusé de réception au gérant ou au dirigeant de la société lui contraignant de produire des explications. A cet effet le gérant a l'obligation de répondre dans les conditions requises et en principe dans le même mois. A la différence du droit OHADA, le droit français fait ressortir une distinction entre les sociétés commerciales et les groupements d'intérêts économiques, les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique et les associations publiquement subventionnées . S'agissant des sociétés commerciales et les groupements d'intérêts économiques : « le déroulement de la procédure est similaire à celle de l'OHADA sauf qu'ici le gérant ou l'administrateur du GIE doit répondre à la demande d'explication du commissaire aux comptes dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande, alors que dans le droit de l'OHADA la réponse est donnée dans le même mois à partir de la réception de la demande d'explication. Dans le même délai de quinze jours et dans les formes similaires, les gérants de la société ou les administrateurs du GIE doivent communiquer la demande du commissaire aux comptes et leurs réponses au comité d'entreprise, s'il en existe au conseil de surveillance. Le commissaire aux comptes en informe le président du tribunal de commerce. Il lui fait part immédiatement de l'existence de la procédure par lettre remise personnellement contre récépissé ou remise à son délégataire, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception… Alors que l'Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés et du groupement d'intérêt économique est silencieux sur le délai d'envoi du rapport spécial rédigé par commissaire aux comptes aux associés ou membre du groupement. Le droit français précise que le gérant ou l'administrateur doit procéder à cet envoi dans les quinze jours de la requête » . En réalité les procédures diffèrent selon le droit OHADA qui n'apporte pas de précision sur le délai d'envoi du rapport alors même cela parait important et nécessaire compte tenu de la situation dégradante que vit l'entreprise . Mais il convient de retenir que dans les deux cas, il revient au commissaire aux comptes de mettre en œuvre la procédure d'alerte dès lors que toutes les conditions sont réunies. Les associés des sociétés commerciales constituent un maillon essentiel dans la chaine des acteurs du monde des affaires. En se référant de manière attentive aux textes de l'OHADA, il se dégage un constat essentiel qui consiste à se rendre compte que l'information des associés parait comme une exigence et une garantie ou même un pilier impératif du droit des sociétés commerciales commune à l'ensemble des sociétés commerciales de tout genre . Depuis un certain temps, le législateur OHADA ne cesse d'apporter des réformes aux textes régissant le droit des affaires dans l'espace OHADA. C'est ainsi l'AUSC a fait l'objet de révision le 30 janvier 2014. Cette révision a concerné de façon considérable plusieurs aspects du droit des sociétés commerciales. Elle a par ailleurs encadré l'information des associés en la renforçant davantage. D'importants dispositifs de moyens de communications ont été mis en place et à côté le législateur a prévu des répressions en cas de non-respect des règles en la matière. Cependant au regard du droit français, l'information des associés joue un rôle décisif dans le cadre du fonctionnement de la société commerciale. Ainsi, l'article 1855 du Code civil précise que : « les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux ». A titre illustratif, il est nécessaire de préciser que l'expression « une fois par an » est un minimum légal. Les statuts peuvent donc prévoir une information plus récurrente des associés non gérants. Le non-respect de ces obligations est sanctionné par une amende de 1 500 euros (article 131-13 du Code pénal). A n'importe quel moment de l'année, tout associé non gérant a le droit de consulter au siège social de la société les documents suivants : - les comptes de résultat, bilans et annexes de la société, - l'inventaire, les rapports soumis aux assemblées et les procès-verbaux de ces assemblées relatifs aux trois derniers exercices. La consultation des documents ne se faire qu'au siège social de la société et l'associé n'a le droit ni de les emporter ni de se les faire envoyer, il peut par contre en faire des copies à l'exception des documents relatifs à l'inventaire. Par conséquent, la société doit mettre à disposition des associés un moyen de reproduction des documents, tel qu'un photocopieur. La consultation des pièces concerne aussi bien celles de l'année en cours que celles des années antérieures. En plus, il est important de souligner que, lors de l'exercice de son droit, l'associé peut être assisté par un expert inscrit sur les listes judiciaires dressées par la Cour de cassation ou les cours d'appel. Il est alors à la charge de l'associé de rémunérer l'expert. Enfin, les associés peuvent également obtenir une copie certifiée conforme des statuts. Par ailleurs, les associés non gérant doivent être au courant de toutes les procédures juridiques introduites par la société ou dirigées contre elle. L'information est à ce niveau capitale puisque certains contentieux sont de nature à engager la responsabilité de la société, d'entraîner sa condamnation et le cas échéant d'engager également la responsabilité personnelle des associés. Le but étant également de permettre aux associés non gérant de provoquer, sur le fondement du Décret du 3 juillet 1978 (décret n°78-704 relatif à l'application de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978), une délibération des associés pour orienter les procédures dans un sens plus conforme aux intérêts sociaux. En outre au regard des deux droits, il a été mis l'accent sur des mesures tendant à protéger l'intérêt social des associés minoritaires en leur octroyant la possibilité de détenir des informations relatives à la gestion de la société commerciale dès que nécessaire. Il s'agit de l'expertise de gestion. Elle est née à la suite d'une mauvaise gestion de la société. Elle est considérée comme l'une des innovations apportées par le droit OHADA en ce qui concerne le droit des sociétés en Afrique. Elle a pour but d'assurer une information fiable aux associés minoritaires et de façon générale à leur garantir une implication efficace dans la gestion de leurs affaires. En effet, l'expertise de gestion consiste en « une évaluation qualitative de la gestion sociale puis qu'elle permet l'obtention de rapport sur des opérations de gestion susceptibles de porter atteintes aux intérêts des associés et à ceux de la société » . Il s'agit d'une opération qui consiste à évaluer la mauvaise gestion de la société soulevée par les associés minoritaires. Par contre, l'expertise de gestion au regard du droit français, dite « de minorité », n'est possible que dans les sociétés anonymes et les sociétés par actions (article L. 225-231 du Code de commerce) ainsi que dans les sociétés à responsabilité limitée (article L. 223-37 du Code de commerce). Pour que cette expertise puisse être recevable, les demandeurs doivent détenir, individuellement ou en se groupant, au moins 10 % du capital social pour les S.A.R.L. (article L. 223-37 du Code de commerce), 5 % du capital pour les S.A. et S.A.S. (article L. 225-231 du Code de commerce). Le critère de détention du capital social est apprécié en fonction de la date du dépôt de la demande en justice (Cass. com., 6 décembre 2005, n°04-10287). La question écrite est l'acte préalable à l'expertise de gestion. L'expertise de gestion ne peut être introduite qu'après avoir posé par écrit au dirigeant des questions sur l'opération contestée. Autrement dit, les actionnaires d'une société doivent préalablement avoir demandé des éclaircissements sur l'opération de gestion litigieuse (articles L. 225-231 et L. 227-1 du Code de commerce). Les demandeurs ne pourront agir qu'en l'absence de réponse dans le délai d'un mois, ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants. La procédure d'expertise dans les S.A.R.L. parait différente de celle des S.A. Il faut noter à cet effet que, pour les S.A.R.L., la demande d'expertise de gestion n'a pas besoin d'interrogation préalable. L'expertise peut ainsi être ordonnée sans que le gérant n'ait été préalablement interrogé. Ainsi en France, la Cour a dans un de ses arrêts souligné que les associés d'une SARL qui détiennent 10 % du capital et les actionnaires d'une S.A. qui détiennent au moins 5% du capital peuvent demander l'expertise. C'est-à-dire la désignation d'un expert chargé de faire des rapports sur plusieurs opérations. La demande de recevabilité n'est pas liée à la production de preuve car ce procédé tend vers l'établissement de la preuve. En outre la cour soutient que la demande doit refléter un caractère sérieux . Quant au droit OHADA, l'article 159 de l'AUSC dispose que : «Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander à la juridiction compétente du siège social, statuant à bref délai, la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ». A la lecture de cet article, il ressort que les associés minoritaires peuvent demander la désignation d'un expert dans la mesure où la gestion paraît douteuse afin qu'un rapport soit présenté. L'expertise de gestion exige dans un certain nombre de conditions pour sa mise en œuvre. La demande d'expertise de gestion doit porter sur des opérations déterminées. Pour ce faire, pour pouvoir mettre en marche l'expertise de gestion, il faudra que les opérations contestées ou critiquées soient connues. Ainsi, en France selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, les opérations critiquées doivent être très clairement identifiées . De même l'article L.223-37 du Code de commerce, s'agissant des S.A.R.L., précise que l'expertise de gestion ne peut être demandée que par un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social ; à défaut, l'expertise n'est pas ouverte . Cependant, à la différence de la législation française qui donne qualité pour agir à d'autres requérants comme le ministère public, le comité d'entreprise ou encore la commission des opérations de bourse, le législateur africain a estimé qu'il fallait réserver cette prérogative aux seuls associés minoritaires. En outre, il est important de noter que cette expertise de gestion doit concerner une ou plusieurs opérations particulières. C'est-à-dire qu'il doit s'agir au sens strict d'opérations de gestion, et non pas d'opérations qui relèveraient de la compétence exclusive de l'Assemblée Générale ou d'un organe de la société. L'article 160 de l'AUSC dispose que : « S'il est fait droit à la demande, la juridiction compétente détermine l'étendue de la mission et les pouvoirs des experts. Les honoraires des experts sont supportés par la société. Le rapport est adressé au demandeur et aux organes de gestion, de direction ou d'administration ainsi qu'au commissaire aux comptes » . A la lecture cet article, il incombe à la juridiction saisie de préciser les prérogatives de l'expert et ce dans l'intérêt de la société. Quant à la mission confiée à l'expert, elle doit être relativement générale puisqu'elle peut comporter l'examen d'un point de droit. Cependant, celle-ci paraît assez étroite ce qui n'est ici que la conséquence de son caractère complémentaire par rapport aux autres moyens d'information et de contrôle dont dispose l'actionnaire. L'expert de gestion doit être doté de pouvoirs déterminés par le président du Tribunal du siège social, statuant dans ses fonctions de juge de référés. Sa mission ne devant pas faire double emplois avec celle d'autres organes chargés eux aussi d'informer les associés. Même si on peut penser qu'il peut se voir confier une mission d'ordre comptable, alors même que les comptes aient déjà été contrôlés par le commissaire aux comptes. La procédure étant consécutive le plus souvent à des dissensions entre actionnaires et susceptible de paralyser le bon fonctionnement de la société. Il appartient alors aux associés minoritaires de donner la suite qu'ils veulent à cette investigation, en engageant par exemple la responsabilité des dirigeants.