Projet de thèse en Anthropologie
Sous la direction de Charles Stépanoff.
Thèses en préparation à l'Université Paris sciences et lettres , dans le cadre de École doctorale de l'École pratique des hautes études (Paris) , en partenariat avec Laboratoire d'anthropologie sociale (Paris ; 1960-...) (laboratoire) et de École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....) (établissement opérateur d'inscription) depuis le 01-09-2019 .
Dans l'ensemble du Sud-Ouest, les pratiques de chasses traditionnelles aux oiseaux migrateurs (bruant ortolan, alouette des champs, palombe) révèlent un univers riche et contrasté, tant au niveau de la sociologie des chasseurs, des interactions sociales, des relations entre humains et animaux que sur les plans de l'habitat, des techniques incluant les techniques du corps et des schèmes de raisonnement associés aux pratiques cynégétiques. Elles y renvoient plus largement à l'histoire longue de la ruralité dans un contexte de reconfiguration fonctionnelle des campagnes françaises depuis plus d'un demi-siècle. Dans les Landes en particulier, la mutation des modes de production agricole vers un objectif de rendement commercial s'est accompagnée de recompositions paysagères majeures (enrésinement, remembrement du parcellaire). Dans le même temps, le pouvoir d'attraction des centres urbains et leur étalement participent d'une redéfinition sociologique et territoriale toujours en cours (déprise rurale, périurbanisation). La disparition de leur habitat et la raréfaction des sources de nourriture ont un impact direct sur les effectifs et les comportements des oiseaux migrateurs et les débats actuels sur la chasse en France rendent compte d'un tiraillement du champ social, nettement polarisé entre des échelles de valeurs concurrentes face au sauvage. Les chasseurs aux migrateurs s'identifient eux-mêmes comme les représentants d'un mode de vie rural ancestral devenu minoritaire par rapport à un mode de vie citadin aujourd'hui dominant. Dans ce contexte, un adage courant chez les chasseurs aux migrateurs dit : « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Bien que peu assumés, les liens historiques entre les techniques de chasse aux engins et les pratiques rurales de braconnage laissent en effet entrevoir une culture cynégétique accoutumée à une existence éminemment souterraine mais qui refait sporadiquement surface au sein du tissu social local sous une forme indicielle et hybridée. Les chasseurs traditionnels se trouvent donc à l'intersection des mondes, oscillant sans cesse entre une identité publique ajustée aux normes dominantes et un attachement à la fois intime et partagé à la chasse comme mode d'interaction privilégié avec les confins hors-normes du sauvage.
Becoming a tree and singing the woodpigeon. Action modalities, body techniques and cognitive outlook among woodpigeon hunters of the Landes (France).
Throughout the South-West of France, traditional hunting practices for migratory birds (ortolan sparrow, skylark, woodpigeon) reveal a rich and contrasting universe, in terms of the sociology of hunters, the social interactions, the relationships between humans and animals as in terms of dwelling, techniques including body techniques and cognitive schemes. More broadly, they refer to the long history of rurality in a context of functional reconfiguration of the French countryside for more than half a century. In the region of the Landes in particular, changes in agricultural production methods towards a commercial goal has been accompanied by major landscape recompositions (pine plantations, effects of land reform). At the same time, the attraction power of growing urban centers contributed to a sociological and territorial redefinition still in progress (rural decline, periurbanization). The disappearance of nesting places and the scarcity of food sources have a direct impact on population size and behavior of migratory birds and current debates about the hunt in France reflect a tension in the social field, clearly polarized between competing scales of ethic values toward the wild. Migratory hunters identify themselves as the last ones that remember their ancestral rural roots against urban domination. In this respect, a common adage among hunters says: To live happily, live hidden. Although little assumed, the historical links between gear hunting and rural poaching practices suggest a hunting culture accustomed to an eminently underground existence, sporadically reemerging through discrete and hybridized clues within the local social fabric. Traditional hunters therefore find themselves at the intersection of worlds, in the constant oscillation between a public identity adjusted to dominant norms and a both individual and collective attachment to hunting as a privileged way to interact with the unordinary confines of the wild.