Le capitalisme autonarratif. Production, réception et valorisation du récit de soi sur Twitch.

par Nathan Ferret

Projet de thèse en Sociologie

Sous la direction de Arnaud Esquerre.

Thèses en préparation à Paris, EHESS , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales depuis le 28-11-2019 .


  • Résumé

    En plein essor depuis une décennie, les plateformes de (live-)streaming forment un foyer de pratiques sociales exemplaires des mutations du lien social, des constructions médiatiques de soi, des modes de consommation culturelle et des nouveaux modèles économiques qu’engage le capitalisme digital contemporain. En analysant la pratique des streamers et leur carrière à la plateformisation de soi sur Twitch, les usages quotidiens de leurs viewers, la structuration sociodémographique du réseau de ces usagers, la construction des communautés virtuelles rassemblées sous la figure des vidéastes et l’économie non-marchande auxquels l’activité donne lieu, cette thèse dresse un panorama de la scène française de la plateforme et étudie son fonctionnement socio-économique original. Au travers d’une double approche qualitative (ethnographie virtuelle, ethnographie physique, entretiens) et quantitative (analyse de deux bases de données constituées pour la recherche), elle montre comment les streamers diffusent, sous la forme de streams, des récits d’eux-mêmes numériques, multimodaux, interactifs, spéculaires et partagés, configurant le sens des manières d’agir et de réagir en ligne en sens autonarratif et supportant un lien social personnifié par cette activité auto-expressive. L’encastrement des transferts numériques d’argent dans ces récits de soi configure alors le don un acte narratif, permettant une exploitation monétaire des identités narratives et d’une accumulation par don sur la plateforme. Le jeu vidéo s’y intègre comme facteur de production de soi, ouvert à l’analyse de la reconduction des différences socialement situées de s’exposer et de se raconter par le jeu sur internet en différences économiques. Au croisement de la sociologie des pratiques culturelles et des sociabilités en ligne, de la sociologie économique et de la sociologie du récit de soi, la thèse dégage ainsi le double mouvement duquel le streaming tire sa particularité et son intérêt épistémologique : celui de l’économicisation des pratiques autonarratives et de la narrativisation des pratiques économiques, identifiant un capitalisme autonarratif.

  • Titre traduit

    Self-narrative Capitalism. Production, reception and valorization of self-narrativity on Twitch.


  • Résumé

    Booming for a decade, live streaming platforms constitute a set of social practices typical of changes in social ties, of self-constructions, of modes of cultural consumption and of new economic models engaged by contemporary digital capitalism. By analyzing the practice of streamers and their self-platformization career on Twitch, the daily uses of their viewers, the socio-demographic structure of the network of its users, the construction of virtual communities gathered under the figure of videographers and the non-market economy to which activity gives rise, this thesis provides an overview of the French scene of the platform and studies its original socio-economic functioning. Through a dual qualitative (virtual ethnography, physical ethnography, interviews) and quantitative (analysis of two databases created for the research) approach, it shows how streamers broadcast, in the form of streams, digital, multimodal, interactive, specular and shared self-narratives, supporting a configuration of ways of acting and reacting online in an autonarrative meaning and a social bond personified by their self-expressive activity. The embedding of digital money transfers in these self-narratives then transfigures the gift into a narrative act, allowing monetization of online narrative identities and accumulation by gift on the platform. The video game is then integrated into it as a factor of self-production, making it possible to grasp the renewal of socially situated differences to expose oneself and to tell oneself through play on the internet, in economic differences. At the crossroads of the sociology of cultural practices and online sociability, of the economic sociology and of the sociology of self-narrative, this research thus brings out the double movement from which streaming draws its particularity and epistemological interest: that of economization of autonarrative practices and the narrativization of economic practices, identifying a self-narrative capitalism