Thèse en cours

Moi, nous, professeurs d'histoire-géographie : une enquête autobiographique

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Auteur / Autrice : Thomas Baillergeon
Direction : Patrick Garcia
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire
Date : Inscription en doctorat le 20/10/2018
Etablissement(s) : CY Cergy Paris Université
Ecole(s) doctorale(s) : Arts, Humanité, Sciences Sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : HERITAGES

Mots clés

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Résumé

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Au début des années 1960, sur les conseils d'Ernest Labrousse, Jacques et Mona Ozouf, désirant « dresser la statue des instituteurs » d'avant 1914 et dissiper les ombres portées — tant par la droite que par la gauche —, proposèrent aux instituteurs de répondre à une enquête. Sous l'apparente rigidité du questionnaire se dévoilait une invitation « à l'association libre » et à l'expression d'une « mémoire buissonnière ». Par instinct littéraire, par nécessité intellectuelle ou par goût de la digression, de nombreux instituteurs s'affranchirent du cadre initial et offrirent à leurs enquêteurs des autobiographies ; endiguant parfois une subjectivité dont les ressources heuristiques sont à cette époque encore sous-exploitées par une discipline dont l'épistémé objectiviste est en partie fondée sur une mise à distance de celle-ci. Cette méthode d'opinion, proche de l'enquête orale, exploite une écriture indigène du passé, entre histoire et littérature et scelle un « pacte » (Lejeune) entre auteur et lecteur. Pionnière en 1962, cette démarche préfigure une historiographie dans laquelle s'inscrit l'expérience historique qui est menée aujourd'hui avec les professeurs d'histoire et de géographie dans un contexte marqué notamment par l'émergence et la montée du « je » dans l'écriture de l'histoire. Inspiré du précédent Ozouf — de ses limites — et postulant une correspondance entre la structure du réel et les catégories de l'expérimentation, le questionnaire proposé ici aux professeurs a été pensé et façonné comme une architecture de récit afin que le sillon autobiographique épouse les enjeux et interrogations qui ont préludé à cette recherche. Ainsi, et pour accueillir une parole libre, subjective, la trame est élastique, suggestive et composée d'entrées thématiques à disposition des auteurs. Pour aller à la rencontre d'une mémoire — toujours — vivante, faire parler ceux qui ne parlent pas et produire une histoire orale « par écrit », « par en bas », décentralisée (De Certeau), reconstituer un paysage social fait d'engagements, de tensions et prises de positions citoyennes, enseignantes et ainsi « fixer le commun de la sensibilité française à une époque déterminée » (Lejeune) mais aussi pour « ouvrir la boite noire » de l'enseignement et explorer ce que l'on nomme aujourd'hui les « curriculum réels », la structure narrative du questionnaire est organisée autour de trois parties : l'itinéraire de leur vie professionnelle, des influences de jeunesses aux postes effectués en passant par les études et engagements de citoyen ; les enchevêtrements d'expériences, de pratiques, de représentations du métier et, enfin, une prise de distance s'éloignant du cadre autobiographique pour celui des mémoires en dressant le bilan d'une existence professionnelle juchée dans un contexte historique et personnel donné. La démarche expérimentale choisie pour mener cette enquête — les sources sont construites à l'initiative du chercheur — suppose une prudence quant à l'esquisse d'hypothèses et de préfigurations — l'exemple des travaux d'Ozouf le montre — attendues dans le corpus en construction. Reste les ambitions et les questionnements : circonscrire un réel s'inscrivant dans le discours historiographique et provenant des déterminations d'une place; articuler objectivement des contenus subjectifs, rendre justice à une identité, une profession, étudier la place de l'Histoire, à rebond ou à rebours de représentations qui tendent parfois à s'inscrire dans les imaginaires collectifs. Cette recherche ambitionne également de mieux saisir les liens qui unissent les mondes gravitant autour de l'enseignement — ici de l'histoire-géographie — ; dans la filiation d'études comme celle entreprise par Patricia Legris sur la fabrication des programmes d'histoire. Enfin, cette étude est aussi un maillon d'une chaine historique complexe que forme l'histoire du temps présent. Le professeur est/fut un témoin et un acteur singulier d'une époque lestée d'un passé complexe : républicain, national, européen, appartenant à une génération (encore parfois) appelée à rendre la culture d'hier au peuple ; mais aussi et peut-être surtout d'un temps hanté par les répétitions d'une histoire dont l'héritage bouillonnant est toujours inscrit dans les lieux, présent dans la chair des femmes et des hommes qui fabriquent et enseignent l'histoire et la géographie.