Thèse en cours

Le politique et le théologique aux premiers temps de l'islam (656-750 J.C.) : la querelle qui opposait la Murğiʾa et la Qadariyya sur le libre arbitre et la prédestination divine
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Auteur / Autrice : Mourtala Amar
Direction : Pascal BuresiPatrice Brodeur
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Inscription en doctorat le 26/09/2019
Etablissement(s) : Paris, EHESS en cotutelle avec Université de Montréal
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales

Résumé

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Cette thèse étudie la querelle qui opposa deux factions théologico-politiques musulmanes, à savoir la Murǧiʾa et la Qadariyya, sur les questions du libre-arbitre et de la prédestination divine. Les qadarites soutenaient que l’homme est le seul responsable de ses actes ; pour eux, quiconque, y compris le calife, commet un péché capital perd automatiquement sa foi. Par conséquent, il doit soit repentir soit être exécuté. Les murǧi’ites, quant à eux, défendaient l’idée que les actions des individus devaient être renvoyées au jugement de Dieu, seul capable de juger les secrets des hommes. Pour ce courant, la foi n’est aucunement liée au comportement, étant donné que les actes de l’homme sont dictés par Dieu de toute éternité, selon la thèse de la prédestination divine. Cette position a poussé certains savants de l’époque médiévale ainsi que certains chercheurs modernes à affirmer que les murǧiʾites soutenaient les califes umayyades. Selon ces chercheurs, l’argument des murǧiʾites était que la légitimité des califes umayyades, dont le pouvoir relevait du décret divin, ne devait pas être mise en doute et donc que l’obéissance absolue leur était due, sous peine pour les contestataires, d’aller à l’encontre de la prédestination divine. Ce travail tente de comprendre si les théologiens se sont mêlés de politique au nom d’un rapport intrinsèque avec le théologique, ou si les politiques ont eu recours au religieux pour légitimer leur pouvoir. Pour ce faire, nous avons réévalué les principes de la doctrine murǧiʾite en étudiant ses différentes branches, afin de déterminer le type de rapport que chacune d’elles entretenait avec les califes Umayyades. En effet, les différentes révoltes menées par les murğiʾites contre la dynastie contredisent l’idée d’une alliance entre les deux parties. En outre l’implication dans cette querelle théologique des musulmans non-arabes, appelés mawālī, et soutenus par les murğiʾites, pour réclamer l’égalité politique et sociale mérite d’être analysée. C’est pour cette raison que nous tentons de comprendre pourquoi et comment les revendications sociales et politiques des mawālī se sont finement entremêlées aux débats et aux questions théologiques de l’époque. L’analyse du statut et de la notion de Ḫalīfat Allāh (calife de Dieu) est primordiale, car elle permet de comprendre si les Umayyades se référaient au terme Ḫalīfa mentionné dans le 4 Coran parce qu’ils considéraient leur pouvoir comme sacré ou pas. Les Umayyades ont-ils exploité des questions théologiques à des fins politiques pour légitimer leur pouvoir ? Comment la dimension religieuse a-t-elle justifié leurs actions politiques, et inversement comment leurs choix politiques ont-ils dicté leurs options religieuses ? En fin, le recours des souverains umayyades au religieux a-t-il entravé le développement d’une réflexion politique rationnelle ? Pour répondre à ces questions, nous avons utilisé des sources très peu utilisées jusqu’à présent par les chercheurs travaillant sur cette époque ancienne, à savoir la poésie arabe et les correspondances épistolaires entre les savants et les califes umayyades. Le recours à la poésie et à la prose arabe est nécessaire, car il permet de confirmer ou d’infirmer les informations données par les historiographes musulmans dont les ouvrages sont postérieurs à l’époque considérée.