Malheur à celles par qui le scandale arrive : subversion, sexisme et misogynie dans les films à scandale en France, 1972-1975

par Anna Filipiak

Projet de thèse en Etudes cinématographiques et audiovisuelles

Sous la direction de Raphaëlle Moine et de Ludovic Cortade.

Thèses en préparation à Paris 3 en cotutelle avec New York University , dans le cadre de École doctorale Arts et médias (Paris) depuis le 29-11-2018 .


  • Résumé

    Le début des années 1970 en France est caractérisé par deux phénomènes de société qui affectent en profondeur les dynamiques genrées de l’époque. D’un côté, la révolution sexuelle héritée de Mai 1968 abolit les tabous, dénude et sexualise les corps (surtout féminins). De l’autre, le mouvement féministe, cristallisé autour du Mouvement de Libération des Femmes (MLF), gagne de la visibilité et réclame une vraie réflexion sur la nouvelle place des femmes dans la société, influençant toute une série de lois votées dès 1972. Le point de rencontre de ces deux tendances ne va pas sans heurts, les féministes dénonçant la récupération du corps féminin à des fins d’asservissement sexuel ou de gain commercial, tout en défendant en même temps la liberté des femmes de disposer librement de leur corps. Le cinéma français de l’époque fonctionne comme une caisse de résonance de cette société en pleine mutation. L’évolution progressiste des mœurs allant de pair avec un affaiblissement de l’appareil de la censure, le début de la décennie 1970 voit déferler sur les grands écrans français une vague de films « à scandale » d’une teneur subversive et d’une charge sexuelle inconnues jusqu’alors. Mais si ces films porteurs de la révolution sexuelle s’attaquent à des sujets jusqu’alors tabous et tentent de redessiner de nouveaux rapports entre les deux sexes, ils ne remettent pas pour autant en question l’ordre social en place. Bien au contraire, sous couvert de progressisme et de modernité, ces films n’ont de cesse de revenir à un cadre normatif plutôt archaïque, reposant sur des valeurs patriarcales traditionnelles, et se soldant par une misogynie souvent proportionnelle à la libération sexuelle des femmes qui y est présentée. L’analyse des six films « à scandale » du corpus permet de réfléchir sur ces enjeux de pouvoir entre les deux sexes, visibles non seulement dans la trame diégétique mais aussi, à plus large échelle, dans le fonctionnement de l’industrie cinématographique de l’époque.

  • Titre traduit

    Woe unto her, through whom the scandal comes : subversion, sexism and misogyny in French scandal films, 1972-1975


  • Résumé

    The early 1970s in France were characterized by two social phenomena that profoundly affected the gender dynamics of the time. On one hand, the sexual revolution inherited from the May 1968 protests broke social taboos, stripped and sexualized bodies (specifically women’s ones). On the other hand, the feminist movement, crystallized around the Women's Liberation Movement (MLF), gained visibility and demanded a real reflection on women’s newfound social standing in society, triggering a whole series of laws enacted from 1972 onwards. The juncture of these two trends didn’t go smoothly, with feminists denouncing the recovery of the female body for the purposes of sexual enslavement or commercial gain, while simultaneously defending women’s freedom to use their bodies. French cinema at the time may be seen as a sounding board for the changing society. Due to progressive changes in moral attitudes and a weakening of the censorship apparatus, the onset of the 1970s bore a wave of "scandal" films of subversive content and sexual charge which had been unknown to French screens. Yet, these films, bearers of the sexual revolution, tackling hitherto taboo subjects and redrawing new relationships between women and men, did not question the existing social order, as their subversive dimension was often limited to the sexual sphere. On the contrary, under the guise of progressive freedom and modernity, they constantly reaffirmed a rather archaic normative framework, one based on traditional patriarchal values. This resulted in a misogynistic narrative, which violence against women was often proportional to the degree of their sexual liberation in the movies. The six “scandal” films selected in this thesis reflect this war of the sexes characteristic of that period, both in the narrative and, on a larger scale, in the power relations existing in the film industry of the time.