Recherche biomédicale et journalisme en situation d'incertitude. Validité des résultats de la recherche biomédicale et couverture médiatique

par Estelle Dumas-Mallet (Mallet)

Thèse de doctorat en Science politique

Sous la direction de Andy Smith.


  • Résumé

    De nombreux éditoriaux publiés dans les journaux scientifiques font état du problème majeur de la reproductibilité des études biomédicales. Si cette crise de la reproductibilité semble être bien connue des chercheurs, il apparaît que les médias, et donc le grand public, n'en ont pas conscience. Le projet de cette thèse est d'étudier la reproductibilité d'études biomédicales couvrant 3 domaines de la recherche, la psychiatrie, la neurologie et un échantillon de 4 maladies somatiques au sein des publications scientifiques elles-mêmes. Pour ce faire, nous avons d'abord constitué une large base de données regroupant des études décrivant l'association de facteurs de risques (génétiques, environnementaux, biochimiques) avec différentes pathologies. La reproductibilité de ces études a été déterminée en comparant les résultats de méta-analyses avec ceux présentés dans les études initiales sur le même sujet. Nous avons notamment montré que dans presque 70% des cas, les études initiales ne sont pas reproduites. Ce phénomène, déjà décrit dans les éditoriaux des journaux scientifiques, n'est pas grave en soi pour la production de connaissances scientifiques : la science avance en partant de résultats initiaux prometteurs mais incertains qui seront consolidés par des études ultérieures pour arriver à un consensus. Cependant une des conséquences non étudiée de ce manque de reproductibilité est le traitement médiatique de ces informations scientifiques incertaines. Par conséquent, nous avons également étudié la couverture médiatique des études scientifiques contenues dans notre base de données. Un premier constat est que la presse privilégie les études scientifiques initiales publiées dans des journaux scientifiques prestigieux. La plupart des découvertes scientifiques présentées dans la presse grand public ne sont donc pas confirmées par les études ultérieures. Nous avons également analysé le contenu de ces articles de presse afin de montrer avec les données objectives que les journalistes qui rapportent des études initiales informent rarement le public de leur caractère incertain. De plus, les études ultérieures qui invalident ces études initiales ne sont quasiment jamais couvertes par la presse. Enfin, nous avons réalisé des entretiens avec des journalistes scientifiques pour connaître leur pratique et recueillir leur opinion sur la reproductibilité de la recherche biomédicale. Les interviewés disent être conscient des problèmes de reproductibilité. Cependant, pour les raisons sociologiques et de pouvoir que la thèse explicite, ce savoir modifie peu la manière dont ils traitent des recherches biomédicales.

  • Titre traduit

    The reproducibility crisis in biomedical research: an analysis of the validity of biomedical studies published in peer-reviewed journals and their media coverage


  • Résumé

    Science's reproducibility crisis is largely discussed in scientific journals editorials and most scientists are familiar with the problem. But journalists and therefore the public do not seem to be aware of the lack of reliability of a significant part of biomedical research. This thesis investigates the reproducibility of 3 domains in the biomedical research: Psychiatry, neurology and a sample of four somatic diseases. To do so, we first built a database collecting biomedical studies associating risk factors (genetic, epidemiologic, environmental) and diseases. We analysed their reproducibility using a comparison with the results of meta-analyses. We showed that almost 70% of initial studied failed to be confirmed. This is not surprising as science knowledge is built from promising, uncertain results to facts through replication. However, a less known consequence is the media coverage of these tentative initial results. The analysis of the media coverage of the studies included in our database indicates that journalists preferentially cover initial studies published in prestigious journals. So the vast majority of scientific discoveries presented in the media failed to be confirmed. Moreover, journalists rarely inform the public of the uncertainties associated with such findings and almost never cover the studies which contradict the initial results. We also undertook in depth interviews with journalists regarding their practices and their opinion about science reproducibility. If most of them told us they were aware of the lack of reproducibility of biomedical research, this is rarely reflected in the way they cover initial tentative studies. Sociological factors and power relations largely explain this phenomenon.