Eclairage de la tracéologie lithique sur le système techno-économique nomade châtelperronien

par Mickaël Baillet

Thèse de doctorat en Préhistoire

Sous la direction de Jean-Guillaume Bordes, Jesus emilio Gonzalez urquijo et de Hugues Plisson.

Thèses en préparation à Bordeaux en cotutelle avec l'Université de Cantabrie , dans le cadre de École doctorale Sciences et Environnements (Pessac, Gironde) , en partenariat avec De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement, Anthropologie (laboratoire) depuis le 21-11-2012 .


  • Résumé

    Pour l'extrême ouest eurasiatique, la question demeure de savoir selon quelles modalités anthropologiques Neandertal et l'Homme d'Anatomie Moderne (HAM) se sont succédés, via une sous-époque artificiellement appelée « Transition ». Un remède pourrait selon nous venir d'une approche globale du système techno-économique lithique nomade, là où l'approche technologique des industries lithiques, mise en œuvre de façon privilégiée jusqu'à aujourd'hui, a montré ses limites. Notre thèse applique cette échelle systémique aux industries lithiques châtelperroniennes, cas d'étude à la fois emblématique et symptomatique du problème évoqué. Nous avons placé la tracéologie lithique ainsi que l'expérimentation au cœur de notre méthodologie analytique, afin de cerner à la fois les stratégies industrielles et les activités outillées des communautés châtelperroniennes depuis le nord de la France jusque dans la corniche vasco-cantabrique. Tandis que nous nous sommes basé sur des modèles théoriques explicites pour appréhender plus généralement leur système de fonctionnement économique relativement à leur mode de nomadisme. De plus, nous avons également utilisé la tracéologie afin d'éclaircir la problématique taphonomique spécifique au Châtelperronien. Nos observations sur l'état de surface des collections nous pousse finalement à suggérer que la dichotomie entre «sites à indices de passage » et « sites à dépôt archéologique » ne serait pas le résultat taphonomique d'évènements climatiques induisant une érosion à géométrie conjoncturellement variable (i.e. intersites et/ou intrasites), comme le pensaient nos prédécesseurs. Au contraire, cela témoignerait bien d'un mode d'occupation très contrasté du territoire. L'analyse fonctionnelle des industries, de son côté, abonde également dans ce sens en révélant que les stratégies industrielles reflètent une double partition, à la fois humaine et économique. En effet, d'une part, le « support de Châtelperron » équipe notamment des individus missionnés sur des sites logistiques tels que des haltes de chasse, afin qu'ils fabriquent et utilisent tour à tour des armatures de sagaie ou des couteaux de boucherie. D'autre part, d'autres haltes logistiques sont conçues comme la conjonction entre le renouvellement de l'industrie lithique et la réalisation d'activités spécialisées à caractère vivrier (boucherie) et artisanal (peausserie, et très probablement industrie osseuse). Quant aux campements résidentiels, manifestement très rares et alors sous-abris rocheux, ils abritent l'ensemble du groupe et sont le lieu où sont mis en oeuvre l'ensemble des industries lithique et osseuse, ainsi que la parure, reflétant le panel probablement complet des activités de ces communautés. En somme, il ressort une spécialisation des outils au Châtelperronien, et plus généralement une spécialisation cynégétique du système technique lithique, couplées à un mode logistique de nomadisme sur de vastes territoires. Ceci pourrait refléter une segmentation du groupe par spécialistes, et notamment une partition sociologique dans laquelle la figure du chasseur occupe une place majeure. Enfin, la confrontation de ce schéma spécifique avec les principales cultures de la Transition sur notre aire géographique fait ressortir une définition restrictive du Paléolithique supérieur. En effet, la spécialisation cynégétique du système technique lithique et, corrélativement, celle du statut de chasseur parmi les membres du groupe, représentent selon nous les deux seuls traits singularisant les communautés du Paléolithique supérieur (ancien et récent.

  • Titre traduit

    The chatelperronian settlement and techno-economical systems : a functional point of view.


  • Résumé

    At the far west of Eurasia, questions persist regarding what factors led anatomically modern human groups to succeed Neanderthals during the so called “Middle to Upper Paleolithic Transition.” Technological approaches to lithic analysis, which have until recently been the principal mean used to investigate these questions, have now shown their limitations. Instead, we suggest a more global approach, which examines both techno-economic and settlement systems. Here, we apply this mode of analysis to the Châtelperronian industry, which is found from northern France to the Vasco-Cantabrian region of northern Spain and is emblematic of the above-mentioned problems. Methodologically, we approach this lithic industry by way of use wear analysis and experimental archaeology. Our aim is to understand both overarching industry strategies and the ways in which specific tools were used. We use theoretical models to investigate the relationship between Châtelperronian functional economy and their mode of nomadism, and use traceology to clarify taphonomic problems specific to the Châtelperronian. We observed, using different levels of magnification, that the natural texture of most lithic artifacts appears to be surprisingly well preserved. This leads us to the conclusion that contrary to previous understandings, the perceived dichotomy between “sites à indices de passage” (i.e. coarse grained assemblages) and “sites à dépôt archéologique” (i.e. fine grained assemblages), cannot be the result of climatic events resulting in different degrees of intersite and/or intrasite erosion. Instead, we suggest that this be the result of different pattern of movement of Châtelperronian groups. Additionally, the results of our use wear analysis suggest that Châtelperronian industrial strategies were the result of a division in both human and economic terms. We hypothesize that individuals carried lithic blanks to logistical sites (e.g. hunting camps), manufactured so called “Châtelperronian points”, and used these tools as both projectile points and knives for butchery. This type of specialized activity hints at segmentation within a given group. Different type of logistical sites can be associated with different combinations of activities performed at them including the rejuvenation of lithic tools (i.e. flint knapping), the production of food (i.e. butchery), and other craft activities (i.e. hide working and the production of bone and antler tools). In contrast, residential sites were likely home to entire groups. These are rare in the archaeological record, and are always associated with rock shelters. These sites contain lithic and bone tools, as well as personal ornaments, which were manufactured on site. These residential sites can be considered good representations of the Châtelperronian industry as a whole, and likely reflect nearly the entire range of daily activities performed. In sum, Châtelperronian tools were specialized elements of a lithic industry focused on hunting within a system of logistical mobility spanning vast territories. This could reflect a social division of Châtelperronian groups into specialists, with the role of the hunter occupying a primary position. Finally, a comparison of our model of the Châtelperronian to that of other “transitional” cultures of western Eurasia leads us to propose a more restrictive definition of the Upper Paleolithic. We posit that hunting specialization, both in terms of lithic technology and the status of the hunter relative to other members of the group, represent the only traits which set apart Upper Paleolithic societies.