Thèse de doctorat en Langues et littératures italiennes
Sous la direction de Matteo Residori.
Thèses en préparation à Paris 3 en cotutelle avec l'Ecole normale superieure de pise , dans le cadre de École doctorale Europe latine et Amérique latine (Paris ; 1992-....) , en partenariat avec Les Cultures de l'Europe méditerranéenne occidentale (Paris) (laboratoire) depuis le 15-11-2018 .
Gravitas et levitas. Aux origines de la subjectivité poétique entre Le Tasse et Leopardi
En opposition (mais aussi en dette) avec la tradition platonicienne et chrétienne, une pensée sur l’alliance entre poésie et vérité a été développée au fil des siècles dans la littérature occidentale, engendrée par la conviction que les phénomènes de la vie intérieure ont un « poids » analogue à celui du corps physique et que les mots ont la possibilité se charger de ce poids, si on parvient à les « alourdir » de connaissance. Il s’agit de l’histoire « humaniste » de la gravité et de la légèreté, qui révèle ce que pendant des siècles les poètes, plus que d’autres, ont considéré un art à apprendre et à transmettre : créer des textes « graves » et significatifs, avec lesquels soutenir le « lourd » esprit de l’homme et l’initier aux difficiles mouvements d’une pensées libre et autonome. De même que le cercle herméneutique, la création poétique a été interprétée à l’instar d’un cercle continuel qui va de la « gravité » de l’expérience et du savoir vers l’aiguisement de l’esprit et la « légèreté » des images mentales, avant de revenir au point de départ. Dans ce processus, c’est le poème qui prend forme, mais aussi la subjectivité du poète et celle de son lecteur. S’inscrivant dans la méthode de la sémantique historique, l’étude vise à retracer l’histoire de la gravité et de la légèreté dans la culture littéraire italienne, au cours de la période qui va du XVIe siècle au début du XIXe siècle. Au cœur de cette histoire se détachent deux figures majeures de la poésie italienne : Le Tasse et Leopardi. Le premier vécut durant l’expansion culturelle de la gravité, idée qui influença profondément son imaginaire et sa pensée, tandis que le second, qui ne croyait plus à la nécessité que la poésie incarne une vérité spéculative, s’engagea dans son œuvre pour redonner de la valeur à la légèreté du chant poétique, trop longtemps soumis à la « pesanteur » de l’esprit rationnel.
In contrast to Platonic and Christian tradition, a way of thinking has emerged over the centuries in Western literature, nourished by the conviction that the mind has weight, like the body, and that words embody this process, if they are made “heavier” by an author through his knowledge, thoughts and emotions. Like the hermeneutic circle, which has neither beginning nor end, the poet’s work has been interpreted as a continuous circle that goes from gravity of the experience to lightness of poems and the other way round. During this process not only does the poem take shape, but also the subjectivity of the writer and that of his readers. Delving into the history of gravity and lightness allows to better understand how for centuries poets, more than others, have considered an art to be learned and transmitted, namely writing “weighty” texts in order to set the “heavy” mind in movement and educate it. This study aims to retrace the history of gravity and lightness in Italian culture from the last decades of the sixteenth century to the early nineteenth century. Two great poets stand out as a part of this history: Torquato Tasso and Leopardi. The idea of gravity was prevalent within Italian literary culture during the sixteenth century and Tasso’s reflection on art was often moulded by it, whereas Leopardi meant through his works to restore value to lightness of the physical existence, which had been dominated by the “weight” of rational mind for too long.