Thèse soutenue

Agrobiodiversité du territoire de Mouweis (Soudan central), ville méroïtique du 3ème siècle avant J.-C. au 4ème siècle après J.-C. et l'essor de la culture du Cotonnier

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Auteur / Autrice : Juliette Milon
Direction : Marie-Pierre RuasCharlène BouchaudThomas Cucchi
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Archéobotanique
Date : Soutenance le 02/02/2023
Etablissement(s) : Paris, Muséum national d'histoire naturelle
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Marie-Pierre Ruas, Charlène Bouchaud, Thomas Cucchi, Nadine Dieudonné-Glad, Marie Millet
Rapporteurs / Rapporteuses : Dorian Fuller, Jean-Frédéric Terral

Mots clés

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Résumé

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À partir de la fin du 1er millénaire avant J.-C., les systèmes agraires antiques du nord-est africain et d’Arabie sont marqués par l’acclimatation de nouvelles plantes annuelles et pérennes, communément appelées « cultures d’été », comme le Cotonnier (Gossypium spp.) de chaque côté de la mer Rouge, ou le Sorgho (Sorghum bicolor) et le Mil à chandelle (Cenchrus americanus) au Soudan et en Egypte. Ces cultures sont originaires des régions sub-tropicales et tropicales africaines ou indiennes, dont la croissance, généralement rapide, demande des températures et un taux d’ensoleillement élevées et un apport substantiel en eau. Ce travail de thèse examine les dynamiques d’acclimatation de ces plantes au sein des systèmes agraires à l’aide d’une approche archéobotanique en deux volets, incluant analyses carpologique et morphométrique. Les campagnes de fouilles réalisées entre 2007 et 2017 par le musée du Louvre, sur le site méroïtique de Mouweis (Région de Shendi, Soudan), ont livré 154 684 restes carpologiques carbonisés. Notre étude porte sur un total de 26 816 de ces restes. Ce site, riverain du Nil, situé au Soudan central, typique des établissements urbains présente une chronologie continue permettant d’appréhender les pratiques alimentaires et agricoles des populations de la période méroïtique (3e siècle avant J.-C. – 4e siècle après J.-C.). Les analyses d’assemblages carpologiques et la détermination taxinomique des carporestes attestent 69 taxons. La gamme des 11 plantes cultivées comprend 4 céréales, 3 légumineuse, une plante technique et 3 fruitiers. Les céréales prédominent avec le Sorgho (Sorghum bicolor), le Mil à chandelle (Cenchrus americanus) et l’Orge vêtue (Hordeum vulgare), témoins de l’alternance de cultures d’hiver et de cultures d’été au rythme des crues du Nil : « double cropping system ». Le rôle des 16 taxons de Panicoideae de petite taille identifiées (Setaria sp., Brachiaria sp., Panicum sp…) est discuté. Les 36 taxons sauvages identifiés contribuent à la connaissance des paysages à l’époque de l’occupation du site. La présence de graines de Cotonnier (Gossypium spp.) dans les assemblages carpologiques du site, en particulier durant les 2e-4e siècles après J.-C., fait écho aux découvertes de cette plante textile sur d’autres sites contemporains en Afrique du Nord et en Arabie. L’ensemble témoigne d’un essor global de la culture du Cotonnier durant l’Antiquité pouvant impliquer au moins deux des quatre espèces domestiquées dans des régions tropicales et sub-tropicales, Gossypium herbaceum en Afrique et G. arboreum dans le sous-continent indien. La compréhension des dynamiques de diffusion de la culture du Cotonnier est cependant limitée par le fait que les espèces ne peuvent être identifiées à partir des méthodes d’observation morphologique et anatomique classiques. Des analyses morphométriques (traditionnelles et géométriques en 2D) ont donc été réalisées sur des graines de Cotonnier, incluant un référentiel moderne de graines fraîches et carbonisées expérimentalement des quatre espèces domestiquées (deux diploïdes, G. herbaceum, G. arboreum et deux tétraploïdes, G. hirsutum et G. barbadense) et un corpus archéologique de graines provenant de dix sites en Afrique, Arabie et dans le sous-continent indien. Les résultats obtenus sur le référentiel moderne montrent que les espèces diploïdes se distinguent nettement des espèces tétraploïdes par des mesures linéaires et par l’analyse de la forme. Cette dernière donne les résultats les plus significatifs de distinction spécifique. La carbonisation impacte la taille et la forme des graines et la capacité à distinguer les graines à l’espèce. Enfin, les analyses morphométriques suggèrent des pistes de distinctions des graines archéologiques entre les deux espèces africaine et indienne. Une des perspectives de recherches visera à décrire plus précisément les morphotypes archéologiques.