Styles de la malséance dans l'oeuvre en prose narrative de Georges Bataille, Jean Genet et André Pierre de Mandiargues

par Anne Garric

Projet de thèse en Langue française

Sous la direction de Christelle Reggiani.

Thèses en préparation à Sorbonne université , dans le cadre de École doctorale Concepts et langages (Paris) , en partenariat avec Sens, texte, informatique, histoire (Paris) (equipe de recherche) depuis le 12-11-2018 .


  • Résumé

    Les récits de Bataille, de Genet et de Mandiargues sont séditieux (il faudra comprendre comment), souvent antireligieux, largement licencieux, et quelquefois satiriques : autant de critères qui permettent de les désigner comme les « crime[s] écrit[s] » mentionnés par Gisèle Sapiro dans La responsabilité de l’écrivain. Ces récits saisissent, choquent, dérangent, et tous œuvrent pour une démarche iconoclaste à de multiples niveaux, dans la mise à mal de figures sacrées ou socialement consacrées (relation incestueuse, nécrophilie, agression de la mère donc de l’autorité parentale et de l’amour filial, irrévérence à l’égard du clergé à travers les violences portées à l’un de ses représentants). Il est ainsi possible de rassembler les textes du corpus en une formule synthétique : tous heurtent la bienséance. Dans quelle mesure a-t-on affaire à une écriture du cynisme, de l’immodestie, de l’impudeur, de l’inconvenance, de l’indécence, de l’obscène ? Des écritures qui transgressent les lois génériques, bafouent les exigences de leurs sujets. Autrement dit, on se posera la question suivante, globale et sciemment rendue métaphorique : comment les trois prosateurs s’assoient-ils sur l’étiquette? Au regard du caractère choquant de plusieurs des thèmes abordés dans les œuvres du corpus, s’impose à notre réflexion la question de la congruence du propos et du dire. Dans certains passages de leurs textes que l’on peut lire comme des formes de revendication scripturale et stylistique, à la manière d’arts poétiques, les auteurs eux-mêmes nous invitent à ce questionnement. Y a-t-il coïncidence de ce qui est conté et de la manière dont cela nous est conté ? Si Bataille, malgré sa revendication d’« écrire classique », participe d’une « misologie » en écrivant mal, voire « n’écrit pas du tout » selon Marguerite Duras, le moins que l’on puisse dire d’emblée de Jean Genet et de Mandiargues, c’est qu’au contraire ils écrivent bien. Comment donc, et pourquoi écrire des horreurs ? Avec quelle visée ? À la lecture des textes de Bataille, on voit qu’aucune beauté ne cherche à poindre, mais qu’au-delà de l’inconvenance, c’est l’écœurement et le malaise qui se font sentir par le biais de l’excès et de la saturation. À l’inverse, Genet écrit avec une visée esthétique, voire esthétisante. Chez lui, la beauté du texte sert le discours d’une valorisation de la racaille et du crime, à travers une poésie des bas-fonds. Enfin, il semble que dans les récits mandiarguiens les caractéristiques identifiées dans les textes des deux premiers auteurs soient également à l’œuvre, moteurs textuels du déploiement de l’étrangeté et de l’expression du fantasme. Pour chacun des textes du corpus il s’agira d’une part de mettre au jour un dispositif discursif qu’on désignera comme une pragmatique de la malséance. D’autre part, dans la perspective des effets de monstration, d’exhibition, de brandissement de ce qui devrait rester caché ou tu, il s’agira d’analyser une poétique du surgissement de l’élément inconvenant. On envisagera les éléments lexicaux selon un point de vue sémantique, ainsi que la mise en œuvre d’isotopies de la malséance, notamment à travers l’analyse de la récurrence de sèmes comme ceux de la saleté, de la souillure, de l’excès. On verra comment les phénomènes de co-occurrence des termes propagent un caractère malséant dans les textes au moyen de relations d’association, à travers des séries d’associations lexicales. En outre, l’étude de la polysémie nous fera appréhender la difficulté de trouver la limite de ces champs lexicaux, dans un rapport de fine congruence avec la question du jeu à la limite duquel repose parfois la malséance. De plus, la question de la dénotation et de la connotation nous occupera. On analysera entre autres les connotations d’une intertextualité libertine et sadienne. Enfin, on verra en quoi les textes de Genet, comme ceux de Bataille et de Mandiargues créent des paradigmes analogiques malséants au moyen de déploiements du langage figuré. Ces « styles de la malséance » bâtissent un univers référentiel fictionnel qui leur est propre, à travers une pragmatique discursive spécifique. Ils mettent en œuvre les ressources lexicales et celles de l’expression analogique, en bousculant les codes, ceux des convenances thématiques et discursives, en malmenant « l’étroite bienséance » que saluait Boileau dans son Art poétique pour évoquer la scène dramatique classique. Voyons-les d’ores et déjà comme quelques uns des « beaux exemples » dont fait état Gisèle Sapiro, qui montrent « que le travail sur la langue [peut être] un puissant facteur de subversion de la vision du monde dominante. »

  • Titre traduit

    Styles of inappropriateness in Georges Bataille, Jean Genet and André Pierre de Mandiarges' narratives


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