Thèse soutenue

"Parler des choses importantes" : cultiver les émotions de la démocratie : Le tournant émotionnel à travers une ethnographie des "pédagogies des émotions". Le cas de la Scuola-Città Pestalozzi.

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Auteur / Autrice : Qendresa Shaqiri
Direction : Vincenzo MateraMartin Soares
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Socio-Anthropologie
Date : Soutenance le 21/11/2022
Etablissement(s) : Lyon 2 en cotutelle avec Università degli studi di Milano - Bicocca
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherches et d'études anthropologiques (Bron, Rhône)
Jury : Président / Présidente : Omar Zanna
Examinateurs / Examinatrices : Angela Biscaldi
Rapporteurs / Rapporteuses : Omar Zanna, Michela Fusaschi

Mots clés

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Résumé

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A notre époque des changements dans la culture des émotions s’observent. Cela renvoie à des changements dans l’interprétation des émotions, à leur valorisation, à leur prise en compte dans les formes de communication et d’interaction. Ce changement renvoie également à l’injonction de les gérer ou de les réguler pour répondre aux exigences et aux conditions contemporaines d’existence mais aussi aux changements culturels et sociaux. Dans ce contexte, émergent ça et là, de manière hétérogène, des pratiques d’éducation aux émotions, sous forme d’un apprentissage planifié, organisé et mis en place par des institutions variées. Cette thèse interroge ce phénomène contemporain d’éducation aux émotions et son inscription dans le contexte d’époque à travers une étude de cas en la mettant en perspective avec les débats actuels autour de ce phénomène.L'anthropologie et la sociologie ont montré que les émotions peuvent être mobilisées pour des finalités sociales, économiques, politiques, mais elles ont aussi montré qu’elles renvoient à des valeurs et des représentations de manière variable selon les époques. Des ethnographies récentes ont notamment observé l'émergence d'un phénomène appelé pédagogies des émotions. La diversité de ces pédagogies concentre et partage deux traits communs : le fait que les émotions soient devenues enseignables mais avec une pédagogie veillant à s'ajuster aux logiques néolibérales.L'étude de cas présentée ici s'inscrit dans la continuité de ces travaux. Elle montre comment les émotions sont devenues enseignables et, sans s’inscrire systématiquement dans des logiques néolibérales, sont travaillées pour un idéal démocratique. La Scuola-Città Pestalozzi école primaire, publique et expérimentale à Florence en Italie, où j'ai mené une ethnographie sur les pratiques d' « éducation affective et relationnelle » a été construite en 1945 en tant que réponse antifasciste pour éduquer le sujet et construire un rapport à la vie sociale selon les principes de conceptions de la démocratie.Le caractère expérimental de Scuola-Città Pestalozzi consiste pour les enseignants à s'ajuster aux enjeux de l'époque, pensés à partir de l’idéal démocratique partagé par cette communauté éducative. C’est au début des années 2000 que des pratiques d' « éducation affective et relationnelle » s’y développent en réponse au sentiment d'une confusion morale due au déclin de la religion, de la famille et du politique. Pour construire ces nouvelles pratiques éducatives, les enseignants ont puisé dans différents discours et savoirs - circulant à l'échelle globale à partir des années 1990 - autour des émotions et la nécessité d'enseigner celles-ci pour répondre aux contraintes de la vie contemporaine. Il s'agit d'un côté du programme des Life Skills de l'Organisation Mondiale de la Santé mais encore du concept d'intelligence émotionnelle popularisé par le psychologue américain Daniel Goleman.À travers ces pratiques éducatives inédites, il s'agit pour les enseignants de construire un nouveau modèle émotionnel et relationnel, où l'ordre social n'est pas imposé de manière implicite, mais implique la négociation permanente des vécus individuels entre la recherche de l'harmonie collective et l’apprentissage de comment composer avec les sensibilités de chacun. Ainsi, les pratiques d'« éducation affective et relationnelle » émergent pour répondre à un manque d'horizons culturel commun en créant de nouvelles manières d'être au monde. Elles rendent compte de la manière dont les émotions sont construites en interaction avec les enjeux de l’époque.