Thèse soutenue

Comment le droit français et le droit québécois organisent-ils et participent-ils à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs ayant un trouble de santé mentale ?

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Auteur / Autrice : Jean-Paul Dautel
Direction : Sylvaine LaulomDenis Nadeau
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Droit social
Date : Soutenance le 15/12/2022
Etablissement(s) : Lyon 2 en cotutelle avec Université d'Ottawa
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de droit (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre de recherches critiques sur le droit (Saint-Étienne ; 1982-....)
Jury : Président / Présidente : François Larocque
Examinateurs / Examinatrices : Pierre-Yves Verkindt, Emmanuelle Bernheim, Mona Paré
Rapporteurs / Rapporteuses : Gilles Trudeau, Loïc Lerouge

Résumé

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Les troubles de santé mentale sont ceux qui affectent la pensée des personnes, à savoir ce qu’il y a de plus intime chez elles. Ils ont, comme effets, de fragiliser globalement leur personnalité et, comme caractéristiques, d’être variables dans leur fréquence et dans leur intensité. Ces caractéristiques sont suffisamment fortes pour susciter une interrogation sur leur prise en charge par les droits français et québécois quant à l’élaboration de mesures permettant leur insertion professionnelle et leur maintien dans l’emploi. Si ces derniers se révèlent par principe promoteurs de ces deux objectifs, la réalité semble cependant tout autre au regard du taux accru d’inactivité des personnes ayant un trouble sévère de santé mentale (en France et au Québec), et au constat de l’affaiblissement de la santé mentale au travail en raison de conditions de travail dégradées, créatrices de souffrances psychologiques.La présente recherche a donc pour but de montrer comment la situation particulière des personnes ayant un trouble de santé mentale remet en cause : l’objectif promotionnel du droit ; la place que prend le droit parmi les autres acteurs de l’accompagnement professionnel et, conséquemment, son influence sur ces mêmes acteurs. Pour ce faire, nous avons opté pour une démarche méthodologique mixte qui allie, premièrement, une analyse classique du droit éclairée par la littérature d’autres disciplines des sciences sociales et, deuxièmement, une enquête de terrain dans la forme d’entrevues semi-dirigées avec des acteurs clés du retour au travail après un trouble de santé mentale. L’objectif de cette démarche est de mesurer l’effet du droit sur ses destinataires primordiaux (les personnes ayant un trouble de santé mentale) et d’étudier les rapports interactifs entre le droit et les acteurs du terrain intervenant dans l’accompagnement des populations visées vers et dans l’emploi.Les résultats de notre recherche démontrent que, malgré la création de systèmes plus ou moins contraignants d’insertion professionnelle des personnes handicapées, les personnes ayant un trouble de santé mentale demeurent à la marge de ces systèmes. On remarque un accès restrictif aux dispositifs législatifs et aux politiques de l’emploi, des environnements de travail encore fortement stigmatisants, et l’insuffisance des solutions d’accompagnement adaptées à ces troubles, malgré l’innovation récente que représente l’emploi accompagné. Notre conclusion nous amène au constat que peu de gens en situation de handicap psychique intègrent les milieux de travail. Pour autant, ces mêmes milieux professionnels connaissent une augmentation importante de travailleurs ayant un trouble de santé mentale. Or, cette population en souffrance psychologique, le plus souvent en raison de leurs conditions de travail, ne rentre pas dans la définition de personne handicapée dans la mesure où les troubles vécus seraient transitoires, et ne bénéficie pas des dispositifs législatifs dédiés au handicap. Elle relève exclusivement des régimes « supplétifs » de maintien dans l’emploi. Lorsqu’elles sont causées par les conditions de travail, le faible taux d’acceptation des lésions d’ordre psychologiques au sein des régimes de réparation des risques professionnels aboutit à une sous-déclaration de ces lésions. Aussi, qu’elles soient d’origine professionnelle ou non, leur traitement relève majoritairement des seules dispositions de droit commun (les obligations d’adaptation et de reclassement en France et l’obligation d’accommodement au Québec). Cependant, celles-ci se révèlent trop procédurales et formelles et valorisent l’approche biomédicale de la pathologie qui limite de fait toute expression de l’expérience subjective des travailleurs (leur vécu au et du travail) et rejette toute considération de la santé au travail.L’ensemble de ces difficultés appelle ainsi à une révision du droit et des pratiques pour laquelle nous présentons des recommandations.