Projet de thèse en Histoire
Sous la direction de Pascal Brioist.
Thèses en préparation à Tours , dans le cadre de Sciences de l'Homme et de la Société depuis le 09-10-2017 .
L’enjeu du projet est d’étudier les relations entre l’expérience du conflit armé et l’écriture de la guerre chez les militaires français du XVIe siècle auteurs de Mémoires. La guerre, telle qu’elle se manifesta aux hommes de la Renaissance, a semblé justifier pour certains le recours à la littérature comme outil de témoignage, de démonstration d’un savoir-faire éminent pourtant jalousement protégé, mais aussi comme occasion de plaisir ou élément de preuve. Si l’idée selon laquelle la guerre moderne aurait engendré un besoin tout à fait nouveau de témoigner est abusive, en revanche, celle selon laquelle les conditions historiques, sociales et politiques du siècle ont entraîné des expériences inédites dans les pratiques, les savoirs et les discours militaires, dont font partie les Mémoires, paraît tout à fait légitime. Cette étude consacrée à la place des Mémoires dans l’économie générale de la culture de guerre s’organisera autour de trois volets, vivre, penser et écrire la guerre, dont il faut examiner les multiples articulations. Si les auteurs n’ont pas tous proposé la même combinaison entre les sphères de l’expérience vécue, de l’analyse réflexive et de la mise en récit, l’hypothèse peut être posée que, quelle que soit la diversité des intentions manifestes, il faut considérer leurs textes comme autant d’actes d’élucidation politique des réalités vécues durant le siècle, comme des discours politiques. Ce projet s’inscrit dans les perspectives développées par Hervé Drévillon (Batailles, 2007) et Stéphane Audoin-Rouzeau (Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne, 2008) qui étudient la guerre comme un fait de société par excellence, ouvrant ainsi une lecture plus anthropologique, culturelle et sociale du phénomène. Les recherches se limiteront à la France, ce qui offre l’avantage d’une disponibilité quasi immédiate de sources riches, « souvent citée[s], voire pillée[s], mais rarement étudiée[s] » (H. Drévillon) par les historiens, de la guerre notamment. La période retenue pour l’étude est un long XVIe siècle : le royaume a lancé et accompagné un phénomène nouveau en devenant le laboratoire de guerres à la fois vécues, pensées et témoignées par deux générations d’acteurs-auteurs, ceux des guerres d’Italie (1494-1559) et ceux, parfois leurs fils, qui s’engagèrent dans les guerres de religion (1562-1629). Le phénomène de l’écriture de Mémoires étant protéiforme, il est important de l’envisager dans une perspective comparative, en intégrant plusieurs échelles d’analyse au sein du corpus constitué d’une soixantaine d’œuvres (génération de l’auteur, batailles vécues, position sociale, formation, implication, faction choisie). Ce travail de bilan oblige à mobiliser plusieurs disciplines. Seul un travail mené sur la langue permettra, en rendant compte de la complexité d’œuvres qui tour à tour normalisent les vertus militaires, décrètent le vocabulaire approprié, dessinent la figure de l’homme de guerre idéal ou évacuent totalement certains aspects manifestes des mutations de la guerre au XVIe siècle, de mieux saisir leur dimension politique. Les apports de l’anthropologie historique, de l’histoire culturelle, du livre et des usages de l’imprimé et même de l’archéologie, permettront quant à eux d’analyser la place de ces textes au sein de la sociabilité guerrière, tout en abordant les questions essentielles du corps en guerre, de la violence et de la peur.
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