La notion de Nature chez Diderot : de l’appréhension ambivalente au dialogue pluridisciplinaire

par Ayman Mestahi

Projet de thèse en Lettres Modernes

Sous la direction de Jean-jacques Tatin et de Mohamed Lehdahda.

Thèses en préparation à Tours en cotutelle avec l'Université de Moulay Ismaïl - Maroc , dans le cadre de Sciences de l'Homme et de la Société depuis le 07-03-2018 .


  • Résumé

    Il suffit de consulter l'article NATURE dans l'Encyclopédie pour constater l'étendue des acceptions qu'on donne de ce mot. Que prouve dès lors la dissémination aspectuelle de la nature dans la pensée de l'homme du XVIIIe siècle ? En philosophie, la nature est à considérer avant tout comme notion empirique. Or certains développements en particulier juridiques autour des idées d'état de nature et de droit naturel lui confèrent aussi une acception abstraite voire une dimension mythique. Mais dans tous les cas, et particulièrement pour Diderot, la rencontre de l'homme, ouvrier ou philosophe, avec la nature est toujours une occasion pour la construction de l'édifice de la vérité. C'est bien Diderot qui affirme : « à quoi que ce soit que l'homme s'applique, la Nature l'y destinait ». En deçà de ce lien ombilical reliant l'homme à la nature, quelles conclusions amères animent les propos de l'encyclopédiste ? On prétend souvent que le XVIIIe siècle n'était pas obnubilé uniquement par des conceptions philosophiques et abstraites de la nature, mais aspirait aussi à l'apaisement de l'âme par un retour à l'état de nature, ̶ l’œuvre de Rousseau témoigne en particulier de cette aspiration. Sachant que l'humanité est dominée dans son appréhension de l'avenir par l'idée d'un retour à la société des origines, Diderot nous administre par son œuvre, tout comme Lucrèce, le « miel et l'absinthe ». Sans qu'il cherche à écrire une vérité en hexamètres dactyliques, le philosophe langrois, entre son œuvre philosophique et l'Encyclopédie, son œuvre littéraire et les Salons, adoucit le vrai par le beau. Mais s'arrête-t-il ici ? Certainement pas. Il s'agit d’écarter désormais la superstition, de braver et de démythifier le surnaturel en donnant une place centrale à l'homme et sa pensée dans cette nature encore insaisissable. L'éditeur du deuxième tome de l'Encyclopédie avertit de la simplicité par laquelle on abordait la notion de Nature : « un terme assez vague, souvent employé, mais bien peu défini, dont les Philosophes mêmes n'abusent que trop ». Cela en dit long sur les perceptions qui se rapportent à la nature durant le XVIIIe siècle. Aussi l'intérêt d'étudier la notion de Nature dans l'œuvre de Diderot s'explique tout d'abord par son approche complexe qui n'hésite pas à interroger le système au moyen de l'éclectisme. En outre, la quête de sens diderotienne est loin d'être un simple renversement de l'ordre hiérarchique de la scala naturae. Il s'agit d'abord d'un dialogue pluridisciplinaire qui tente de rompre le silence de la nature. Diderot cherchera pour ce faire à élever la sensibilité et la raison humaines au rang d'un commerce avec le système, à « changer la façon commune de penser », à faire parler son univers. Ainsi jaillissent de son œuvre de visionnaire d'innombrables anticipations en biologie, en littérature et en art. A l'aune de sa correspondance avec la nature, le philosophe décide en réaction de révéler ses secrets à un autre destinataire : la société. Surgit alors un conflit de perceptions antagoniques qui sous-tend la dimension kaléidoscopique des rapports de l'homme avec la nature au XVIIIe siècle. Cependant la philosophie naturelle de Diderot n'est pas exempte d'une éthique : il s'agit de mener une guerre juste, celle des Lumières. De son déisme initial à son matérialisme ultérieur, nous percevons un Diderot critique d'art, romancier, philosophe, mais constamment, avec des acceptions successives et diverses, prophète de la nature.


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