Projet de thèse en Langue Vivante d'Anglais
Sous la direction de Anne Ullmo.
Thèses en préparation à Tours , dans le cadre de Sciences de l'Homme et de la Société depuis le 01-09-2017 .
La mutilation, à l'image de la coupure traumatique que constitue pour Brian Evenson son excommunication de l'Église mormone suite à la publication de son premier recueil de nouvelles, s'avère être le thème récurrent d'une œuvre teintée de gothique, peinture d'un monde en ruines peuplé d'ombres. Le trauma, en tant que plaie béante, laisse le chant libre à ces corps étrangers qui hantent la fiction evensonienne pour mieux en défamiliariser la langue maternelle : l'auteur mobilise notamment l'étymologie et son expérience de traducteur pour translater et ressusciter des corpus aux membres fantômes. Les textes se font mausolées, de sorte que les trous de mémoire des protagonistes témoignent d'une poétique de l'abcès autant que de l'absence, où le détail est débité en accord avec l'esthétique du silence décrite par Susan Sontag. La mute-ilation se fait mutisme en enfermant la langue dans un état de reconstruction permanent qui fait d'elle la proie des incises, incisions et incidents en tout genre à force d'ajouts, de reformulations et de retranchements. À ce titre, elle rend plus largement compte des manques du langage dans un monde post-lapsaire, et révèle que mutilation et amputation sont des enjeux qui débordent l'espace diégétique pour offrir une réflexion sur le langage. Les corps s'ouvrent et se recousent, se li(s)ent et se déli(t)ent, dans un va-et-vient perpétuel qui fait écho à la mut-ilation comme une pulsion de mouvement et de changement. Cette altération peut être le stigmate d'un discours normalisateur inscrit jusque dans la chair, ou bien au contraire le moyen privilégié d'échapper à la norme en tant qu'intégrité, voire intégrisme. Amputations et mutilations diverses attirent de fait l'attention du lecteur sur la dimension subversive des écrits evensoniens, puisque les théoriciens Mikhaïl Bakhtine et Julia Kristeva considèrent toute atteinte à l'intégrité des frontières corporelles comme une remise en cause de l'ordre établi dans leurs travaux respectifs sur le grotesque et l'abjection. L'intégrité du texte, comme celle des corps, est sans cesse remise en question – le sang et le sens ne découlent plus, ils coulent, débordent et transgressent les couches textiles et textuelles. Cette mue-tilation rituelle met au jour les différents dermes palimpsestiques dont se joue l'auteur, de même que les divers croisements gén-éthiques et génériques qui s'opèrent sous sa plume. À l'image du terme anglais « to break », le corps est littéralement rompu pour permettre la mue et l'émergence d'une voix. La mutilation se ferait alors pré-texte nécessaire pour faire émerger les tissus à filer, imprégnés du sang d'encre et des "songs" des auteurs passés, que l'auteur livre à son corps dé-fendant.
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