Comme des combattants. Des civils dans un bombardement aérien. Le Bourget, 16 août 1943

par Pierre Benetti

Projet de thèse en Anthropologie historique

Sous la direction de Michel Naepels.

Thèses en préparation à Paris, EHESS , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales depuis le 26-11-2017 .


  • Résumé

    Le 16 août 1943, au moins 147 civils, principalement à Dugny (actuelle Seine-Saint-Denis), sont tués par l’aviation américaine lors d’un bombardement aérien visant l’aéroport du Bourget, occupée par l’armée allemande. A partir de ce micro-cas, cette thèse d’anthropologie historique décrit l'expérience de la guerre aérienne par les populations exposées à la violence, en interrogeant les limites entre civils et combattants. Elle place pour cela au cœur de l’analyse les situations vécues par les acteurs ordinaires, leurs manières d’agir et leurs récits, en mobilisant les outils de l'histoire sociale de la Seconde guerre mondiale et de l'anthropologie politique de la violence. L’étude s'ouvre sur une reconstitution de l’événement du point de vue des habitants bombardés. Puis elle revient en arrière, afin d’éclairer les transformations spatiales et sociales qui ont affecté les abords du Bourget, l’accentuation de la menace aérienne et l’intégration du risque au quotidien des habitants. La réflexion repart ensuite du bombardement afin de saisir les différentes perceptions de la violence, par l'examen des interprétations données au bombardement d’une part par les populations locales et parisiennes, d'autre part dans le traitement médiatique suscité par les autorités de Vichy. Enfin, la thèse étudie les processus d’identification des victimes et d’attribution aux défunts de la mention « Mort pour la France ». Au cours de ces étapes, elle observe comment la limite entre civils et combattants se rédéfinit dans les pratiques sociales et sous l’effet des politiques de prise en charge des préjudices de guerre. Par là, la thèse observe simultanément l’entrée de pratiques combattantes dans la vie civile et l'entrée de non-combattants dans le champ de la guerre. L’enquête s'appuie pour cela sur un vaste corpus d’archives permettant de restituer l’expérience des populations locales : témoignages d’anciens habitants, rapports de police, photographies de presse, dossiers d’attribution de la mention « Mort pour la France ». A travers une lecture ethnographique de ces documents, la thèse documente de manière inédite le point de vue des civils confrontés aux bombardements aériens, interroge la redéfinition de leurs cadres de vie sous l’Occupation et replace la guerre aérienne au cœur de l’histoire contemporaine de la région parisienne.

  • Titre traduit

    Civilians, yet combattants ? An aerial bombardment, Le Bourget, August 16, 1943


  • Résumé

    When American aerial forces bombed Le Bourget airport, the German army's main air base north of Paris, on August 16, 1943, nearly 150 civilians, most of whom lived in the commune of Dugny (now Seine-Saint-Denis), were killed. Taking as its starting point this micro-case documented by a survey of French archives, this social and historical anthropology thesis describes the ordinary experiences of violence by non-combatant populations, exploring the consistency and homogeneity of the legal category of civilians. By piecing together this local event, its causes, consequences and meanings for the actors it affected, the investigation examines a series of stages during which the boundaries between civilians and combatants were redefined, notably under the impact of policies for the indemnification of war injuries. By placing at the heart of the analysis the situations experienced by those exposed and affected, their ways of acting and their narratives, the thesis, at the crossroads of the social history of the Second World War and the political anthropology of violence, simultaneously observes the entry of combatant practices into the daily lives of civilians and the entry of non-combatants into the field of war. To this end, the survey draws on a vast corpus of archives to document their point of view--testimonies from former residents, Vichy police reports and, most importantly, the files compiled by victims' families to obtain the "Mort pour la France" ("Died for France") status for the deceased. Through an ethnographic reading of these documents, this study explains how the category of civilian was reshaped under the Occupation, and places aerial bombardments at the very core of the history of the Paris region.