Projet de thèse en Etudes politiques
Sous la direction de Romain Huret.
Thèses en préparation à Paris, EHESS , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales depuis le 31-10-2017 .
Cette thèse s’intéresse à l’expérience de mise au travail des personnes ayant des handicaps intellectuels et cognitifs (Intellectual and Developmental Disabilities ou IDD) aux États-Unis, une expérience marginale puisque le handicap sert de curseur entre l’économie du travail et du besoin. Afin de saisir la définition de l’employabilité de cette catégorie de population, nous nous sommes penchée sur le travail proposé par des acteurs de « l’État délégué » : des nonprofits, associations à but non lucratif, spécialisées dans l’intégration sur le marché de l’emploi ordinaire des personnes ayant des IDD. Acteurs méconnus de ce processus, elles constituent pourtant des relais essentiels, tant d’information, que de formation au cadre normatif du marché de l’emploi ordinaire. Plus précisément, nous analysons un modèle récent, celui de « l’emploi personnalisé » (customized employment). Issu des réformes de l’État social (welfare state) des années 1990 et de l’influence d’un puissant mouvement en faveur de l’indépendance des personnes handicapées, conduit par la population concernée elle-même dès les années 1960, ce modèle propose d’aborder l’emploi à partir des souhaits et besoins des individus handicapés afin de trouver un environnement qui correspond à leur projet professionnel (dans la continuité des dynamiques de transformation du welfare en workfare). La délégation de l’action publique auprès du tiers secteur est ancrée dans l’histoire des États-Unis, et en particulier dans le cadre de politiques sociales. Par ailleurs, le milieu associatif a historiquement eu une place majeure dans la prise en charge des personnes handicapées, ainsi il n’est pas étonnant de voir des institutions pareilles émerger afin de répondre au défi de l’intégration de populations marginalisées. L’analyse « par le bas », à partir de ces acteurs permet de démêler les fils qui forment l’employabilité des individus. Cette étude de cas fait le pari de prendre au sérieux les services de mise à l’emploi et de voir ce qui se passe au niveau de l’interaction entre les agents et les personnes handicapées. Seul ce type d’enquête d’ethnographie, en rupture avec l’approche traditionnelle des politiques publiques, permet de comprendre comment est façonnée, pensée et défiée, l’employabilité d’individus qui ne sont pas destinés à travailler. Ainsi, nous démontrons à travers trois parties, que l’employabilité des personnes ayant des IDD ne peut être comprise en-dehors d’un cadre d’analyse historique et politique croisant différentes échelles. Suite à cette démonstration précise, à la fois de nos méthodes, de nos défis, et des structures, en somme, les clés de lectures nécessaires du sujet dans les deux premières parties, nous exposons la trajectoire des acteurs dans la dernière. Nous y déplions les nouveaux modèles de l’employabilité sur le terrain effectué, à New-York et Boston particulièrement, au regard des interactions entre les personnes handicapées et les agents. Le travail de ces derniers illustre les défis et la spécificité du cas handicapé. Donner un visage à ceux qui forgent l’employabilité des individus handicapés permet de comprendre les grandes variations qui demeurent dans la proposition de services à une catégorie de la population déjà fortement marginalisée.
"Food, flowers, and filth." Rethinking the job market for people with disabilities? The case of nonprofits on the East Coast of the United States.
This thesis focuses on the experience of people with intellectual and cognitive disabilities (IDD) in the United States as they enter the workforce. A marginal experience since disability is acting as a barrier between an “economy of work” and an “economy of need”. In order to grasp the concept of employability for this population, the study looks at the work of nonprofits specialized in the integration of people with IDD in the mainstream job market. Despite being hardly recognized in the field, they are essential links for both information and training. Specifically, the study analyses a recent model, that of “customized employment”. Emerging from the welfare state reforms of the 1990s and the influence of a powerful movement in favor of the independence of disabled people, led by disabled people themselves since the 1960s, this model proposed to tackle employment based on the wishes and needs of disabled people in order to find a work environment to match their professional goals. Delegating public action to the third sector is anchored in the history of the United States, particularly in the context of social policies. Moreover, nonprofits have historically played a major role in the care of disabled people, so it is not surprising to see such institutions emerge in order to meet the challenge of their integration within mainstream society. The “bottom-up” analysis, based on the discourses and practices of these actors, allows us to unravel the threads that form the employability of individuals. This case study takes seriously the employment placement services and to examines what happens at the interaction between agents and people with disabilities. Only this type of ethnographic investigation, which breaks with the traditional approach of public policies, makes it possible to understand how the employability of individuals who are not “fit for work”, is shaped, thought, and challenged. Thus, the study demonstrates throug three parts, that the employability of people with IDD cannot be understood outside of a historical and political analysis framework that crosses different scales. Following this precise demonstration of our methods, challenges, and structures, the new models of employability are unfolding in the last two chapters. They focused on the field works in New-York City and Boston. The work of the agents illustrates the challenges and specificities of the disabled case. Giving a face to those who forge the employability of disabled individuals allows us to understand the great variations that remain in the provision of services to disabled people.