Projet de thèse en Anthropologie sociale et ethnologie
Sous la direction de Anne Monjaret.
Thèses en préparation à Paris, EHESS , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales depuis le 02-10-2017 .
Reparer : (re-pa-ré), v. a. Parer de nouveau. Cette recherche doctorale porte sur les dimensions réparatrices des processus d’engagement pour la mode. Partant du constat que la mode, par sa représentation futile et ses objets éphémères qui en découlent (Lipovetsky, 1987), semble s’être éloignée du politique, notamment depuis l’instauration du système néolibéral de la fast fashion dans les années 1990 entraînant une perte de sens du système-mode (Mensitieri, 2017), cette étude vise à analyser la reconquête du sens politique dans la mode, liée à la transition écologique qui est en train de s’opérer et en particulier, à travers le phénomène d’une (re)politisation des designers de mode. Ceci me conduit à saisir comment les membres du mouvement slow fashion se sont emparé.e.s de la question, comment iels se positionnent, s’engagent, et pour certain.e.s se (re)parent et se (re)construisent, pour mieux s’inscrire dans un projet d’écologie sociale à partir de l’examen de leur pratique professionnelle et/ou d’activiste. L’enquête a été réalisée entre octobre 2016 et février 2020 à Paris au sein des communautés slow fashion situées dans plusieurs espaces à Paris : des espaces associatifs (Fashion Revolution France, Universal Love), quelques showrooms et salons de mode, une institution publique, les Ateliers de Paris (incubateur, service public de la mairie de Paris, dédié aux métiers d’art, de la mode et du design) et l’atelier d’une designer de mode. Le terrain s’est révélé intéressant pour comparer les politiques publiques menées, au niveau national (français), et locale (parisien), aux processus de politisation des membres du mouvement slow fashion. Face à la violence structurelle du système-mode, j’ai pu dégager trois phases de réparation (Résilience, Réparation, Transformation) illustrant des pratiques de domination, de résistance et d’infrapolitique, entremêlées dans des stratégies de dépolitisation des actions publiques. En effet, ces formes stratégiques, dans le cadre de la transition écologique du secteur de la mode, neutralisent et invisibilisent la dimension politique des réparations. Par ailleurs, déconstruire les politiques publiques à travers l’observation des savoir-faire vestimentaires (la réparation visible/visible mending et la transformation/upcyling) a permis d’identifier les processus politisants du mouvement slow fashion en lien avec la fonction cognitive du toucher, questionnant ainsi une possible capacité politique de la perception haptique par incorporation des savoir-faire. La thèse interroge également les réparations reliées à la santé mentale dans le travail créatif, notamment via les syndromes de burn-out, solastalgie et éco-anxiété, et comment les alternatives de production dans le secteur de la mode reflètent des vides juridiques. Une politique par la vulnérabilité est alors en jeu dans les combats des fashion activistes et des designers de mode remettant en question la valeur reproductive du travail bien connue dans les pays du Sud global, tout en questionnant cette valeur dans les pays du Nord global.
Falling and re-parrying yourself (se reparer) : an ethnography of repairs in the slow fashion movement at Paris
In French, « reparer » means to parry again. This doctoral research focuses on the mending dimensions of fashion engagement processes. Starting from the observation that fashion, through its futile representation and its resulting ephemeral objects (Lipovetsky, 1987), seems to have distanced itself from politics, particularly since the establishment of the neoliberal fast-fashion system in the 1990s leading to a loss of meaning in the fashion-system (Mensitieri, 2017). This study aims to analyze the reconquest of political meaning in fashion, linked to the ecological transition that is taking place and in particular, through the phenomenon of a (re)politization of fashion designers. This leads me to grasp how members of the slow fashion movement have taken up the issue, how they position themselves, commit themselves and, for some, (re)parry and (re)construct themselves, in order to better inscribe themselves in a social ecology project, based on an examination of their professional and/or activist practice. The survey was carried out between October 2016 and Febuary 2020 in Paris within slow fashion communities located in several spaces in the city : associative spaces (Fashion Revolution France, Universal Love), a few fashion showrooms and salons, a public institution, the Ateliers de Paris (incubator, public service of the Paris City Hall, dedicated to crafts, fashion and design) and the studio of a fashion designer. The field proved interesting for comparing public policies at national (French) and local (Parisian) level with the politicization processes of members of the slow fashion movement. Faced with the structural violence of the fashion-system, I was able to identify three phases of repair (Resilience, Repair, Transformation) illustrating practices of domination, resistance and infrapolitics, interwoven with strategies for depoliticizing public actions. Indeed, these strategic forms, as part of the fashion industry’s ecological transition, neutralize and invisibilize the political dimension of reparations. Furthermore, deconstructing public policies through the observation of clothing know-how (like visible-mending and upcycling) has enabled us to identify the politicizing processes of the slow fashion movement in relation to the cognitive function of touch, thus questioning the possible political capacity of haptic perception through the incorporation of know-how. The thesis also examines the reparations linked to mental health in creative work, notably via burn-out, solastalgia and eco-anxiety syndromes, and how production alternatives in fashion sector reflect legal voids. A politics of vulnerability is thus at play in the struggles of fashion activists and designers, who question the reproductive value of work, which is well know in the Global South countries, while at the same time questioning this value in the Global North.