Pertes et gaspillages alimentaires dans les chaînes d'approvisionnement : définitions, mesures et coordination. Le cas de la tomate à Cali (Colombie).

par Géraldine Chaboud

Thèse de doctorat en Sciences Économiques

Sous la direction de Paule Moustier.

Thèses en préparation à Montpellier, SupAgro , dans le cadre de École doctorale Economie Gestion de Montpellier , en partenariat avec MOISA - Marchés, Organisations, Institutions et Stratégies d'Acteurs - (laboratoire) .


  • Résumé

    Depuis quelques années, les pertes et gaspillages alimentaires (P&G) sont une préoccupation croissante des pouvoirs publics, des entreprises et des organisations de la société civile. Malgré cela et la récente multiplication des travaux qui ont accompagné ces préoccupations, les études fournissent peu de données empiriques sur les « pays en voie de développement » (PED). Trois questions sont traitées. Premièrement, la thèse questionne les définitions existantes des « pertes » et « gaspillages » alimentaires et les enjeux sociétaux auxquels la réduction des P&G est censée répondre. Puis, les questions liées à la mesure et aux estimations des P&G sont abordées, notamment dans les PED. Enfin, la thèse s'interroge sur le rôle de la « révolution des supermarchés » dans les PED sur les P&G alimentaires engendrés de la production à la distribution. En s'appuyant sur la Nouvelle Économie Institutionnelle, les P&G alimentaires sont essentiellement traités ici comme un problème organisationnel et institutionnel et non pas seulement technique. Cette recherche s'appuie sur l'étude du cas de la filière tomate à Cali en Colombie, de la production à la distribution. La thèse présente plusieurs résultats. Elle démontre, premièrement, qu'il existe de nombreuses ambiguïtés et incohérences dans la manière dont le sujet des P&G alimentaire a été posé, analysé et défendu. Deuxièmement, la thèse montre la nécessité de développer et de suivre un cadre méthodologique détaillé pour mesurer les P&G alimentaires et présenter les résultats de façon transparente. Un cadre méthodologique est proposé et, son utilité est testée. Troisièmement, l'étude de cas de la filière tomate à Cali apporte plusieurs éclairages. Du point de vue de la gestion des déchets, les données montrent que les tomates invendues ou considérées comme non commercialisables par les acteurs ont le plus souvent « une deuxième vie ». Par ailleurs, et contrairement à la vision dominante concernant les filières agricoles des PED, les volumes d'invendus sont relativement faibles sur l'ensemble de la filière étudiée principalement en raison de : 1) la diversité des préférences des consommateurs sur la qualité des produits achetés, 2) des courts délais de mise en marché du produit, 3) des stratégies de commercialisation adoptées par les acteurs pour écouler les produits endommagés et de plus faible qualité et 4) de l'existence de complémentarités et points d'entrecroisement entre les chaînes d'approvisionnement des supermarchés et hors supermarchés. Il n'y a pas de grandes disparités entre les niveaux de P&G alimentaires observées dans ces deux types de chaînes d'approvisionnement (supermarchés et hors supermarchés). Cependant, parmi les producteurs, ceux qui commercialisent à la fois dans ces deux types de chaînes d'approvisionnement via ce que l'on appelle des « formes plurielles de gouvernance », c'est-à-dire ceux qui diversifient leurs partenaires commerciaux pour vendre leurs produits aussi bien au comptant que par des relations commerciales plus engageantes sur le long terme, enregistrent le pourcentage moyen de P&G alimentaires le plus faible. Les résultats convergent avec la théorie : dans un contexte d'incertitude sur la qualité et les volumes de la production agricole, les acteurs font appel à des formes plurielles de gouvernance pour assurer la vente de l'ensemble de leur production et réduire les risques d'invendus. Enfin, la thèse montre que si la souplesse du cadre institutionnel et/ou le faible niveau de contrôle sur la qualité des tomates commercialisées limitent les invendus dans la filière analysée, le revers de la médaille révèle des failles sur le contrôle de la sécurité sanitaire des produits commercialisés. Ceci rappelle à quel point il est indispensable de réfléchir, de discuter et de repositionner la réduction des P&G alimentaires parmi d'autres objectifs du développement durable.

  • Titre traduit

    Food losses and waste along food value chains: definitions, measures and coordination. The case of the tomato chain in Cali (Colombia).


  • Résumé

    In recent years, food losses and waste (FLW) have become a source of growing concern. However, there is a lack of in-depth research and data on the subject. This thesis aims to offer a broad analysis of FLW and to further our scientific understanding of FLW. Three questions are examined. First, it calls into question the definitions used for food “losses” and “waste” and challenges the societal issues that a reduction in FLW is supposed to address. Secondly, the thesis examines the questions linked to the measurement and evaluation of FLW, particularly in developing countries (DCs). Thirdly, the thesis investigates the role of “the supermarket revolution” in DCs in terms of FLW that are generated from production to retail stages. Based on new institutional economics, the thesis considers FLW not merely as a technical problem, but also as an organisational and institutional problem. To achieve this, the thesis focuses on a case study of the tomato supply chain in Cali, Colombia. The analysis is based on 30 interviews and 317 surveys conducted with farmers, middlemen, wholesalers and corner stores along the supply chain. Data was also collected from supermarkets and the Cali's Food Bank. The thesis presents several findings. First, it reveals the ambiguity and the inconsistencies in terms of how the issue of FLW is presented, analysed and argued in relation to the definitions chosen, the quantification methodologies used and the arguments put forward for reducing FLW. Second, the thesis develops and tests a methodological framework for measuring FLW and presenting the results in a transparent way. Thirdly, the empirical data shed light on several issues. From the waste management perspective, results show that tomatoes, which are unsold or considered as unmarketable by stakeholders, frequently have a “second life”. Furthermore, contrary to the dominant view on the food supply chains in DCs, the unsold volumes are relatively small across the tomato value chain. This is primarily due to: 1) the diversity of consumer preferences regarding the quality of the purchased product, 2) the short time involved in marketing the product, 3) marketing strategies adopted to sell downgraded and damaged products and 4) the overlap and complementarity that exists between supermarket and non-supermarket channels. There are no significant differences between the levels of FLW observed in the two types of supply chain (i.e., the supermarket and non-supermarket channels). However, the farmers with the lowest average percentage of FLW are those who sell through plural forms of governance in both types of supply chains. Findings converge with the theory: when there is uncertainty about the quality and volumes of farm output, stakeholders use plural forms of governance to ensure the sale of all of their produce and reduce the risks of unsold produce. In conclusion, the thesis shows that the flexibility of the institutional framework and/or the low level of quality control for the marketed products may limit the volume of unsold tomatoes along the supply chain. However, it reveals the flaws in the health and safety inspections of marketed produce. Therefore, it is essential to consider, discuss and reposition the issue of FLW reduction in the context of other sustainable development issues. Finally, when attempts are made to quantify FLW, it is important not to lose track of the broader context.