(En)quête de la "Terre sans Mal" : histoire et migration d'un mythe

par Pablo Antunha Barbosa

Thèse de doctorat en Anthropologie sociale et ethnologie

Sous la direction de Alban Bensa et de João Pacheco de Oliveira Filho.

Thèses en préparation à Paris, EHESS en cotutelle avec l'Universidade federal do Rio de Janeiro , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales depuis le 19-10-2007 .


  • Résumé

    Le mythe apapocúva-guarani de la « Terre sans Mal » surgit dans la littérature américaniste sous la plume de Curt Unkel Nimuendajú en 1914. Dans ce livre qui a marqué profondément les études contemporaines sur les Guarani, Nimuendaju postulait que les migrations des groupes guarani au XIXe siècle depuis le Mato Grosso vers l’est s’expliquaient en fonction de la recherche du paradis perdu qu’est la « Terre sans Mal ». Il suggérait ensuite que la même explication pouvait être appliquée aux « migrations » de nombreux groupes tupi-guarani à l’époque coloniale, voire précolombienne. La suggestion a été prise au pied de la lettre par Alfred Métraux et, après lui par de nombreux chercheurs. La « Terre sans Mal » est ainsi devenue le pilier de la religiosité guarani, et un thème obligé des ouvrages anthropologiques. Ce n’est qu’au cours des deux dernières décennies que des critiques plus ou moins fortes ont vu le jour, s’insurgeant contre l’utilisation, jugée abusive, d’un mythe particulier pour interpréter des religiosités différentes ou des migrations espacées de plusieurs siècles. Ces critiques ont cependant laissé intactes les bases de l’hypothèse de Nimuendajú et n’ont pas repris le dossier des migrations du XIXe siècle. C’est à reprendre ce dossier fondateur des études guarani que s’attache cette thèse. Loin de prendre parti dans le débat, il s’agit d’opérer un double mouvement de contextualisation. Replacer d’une part les « migrations » du XIXe siècle dans leur contexte historique, en particulier les politiques indigénistes du moment ; reconstruire d’autre part la démarche et les circonstances qui ont permis à Nimuendajú, soixante ans après ces migrations, d’émettre son hypothèse. Ce travail ne permet pas seulement une relecture de la « Terre sans Mal » : il pose aussi les jalons pour une relecture de la religiosité guarani et la place qu’elle a prise dans les études contemporaines.