Le groupe III des récepteurs métabotropes du glutamate : une nouvelle cible dans l'addiction aux opiacés et à la cocaïne ?

par Zuzana Hajasova

Thèse de doctorat en Pharmacologie

Sous la direction de Nicolas Marie.

Thèses en préparation à Sorbonne Paris Cité , dans le cadre de École doctorale Médicament, toxicologie, chimie, imageries .


  • Résumé

    L'addiction aux drogues, comme les opiacés (morphine et ses dérivées) ou la cocaïne, est un problème majeur de santé publique puisqu'elle se traduit par une morbi-mortalité importante et touche toutes les franges de la population indépendamment de la situation socio-économique, de l'âge ou du sexe. Cette maladie psychiatrique chronique et évolutive est caractérisée entre autre par une consommation compulsive de substances psychoactives. Aujourd'hui, il n'existe toujours pas de thérapies suffisamment efficaces pour traiter le problème le plus important, les rechutes de consommation. Ainsi, l'identification de nouvelles cibles thérapeutiques s'impose. Les données précliniques obtenues ces dernières années ont montré que le système glutamatergique était une cible prometteuse dans le traitement des addictions. En effet, les rechutes sont accompagnées d'une augmentation de la libération de glutamate dans des structures cérébrales impliquées dans l'action des drogues, suggérant qu'inhiber cette libération bloquerait la rechute. Un moyen original pour inhiber la libération de glutamate consiste à stimuler les récepteurs présynaptiques glutamatergiques ; c'est précisément la stratégie que nous avons adopté dans ce travail en ciblant le groupe III des récepteurs métabotropes du glutamate (mGlu) et plus particulièrement les récepteurs mGlu4 et mGlu7 en utilisant le LSP2-9166, un agoniste orthostérique de ces deux récepteurs, conçu et synthétisé par l'équipe du Dr. Francine Acher (CNRS UMR 8601). Chez la souris, nous avons testé l'effet du LSP2-9166 dans deux modèles de dépendance à la morphine et la cocaïne : la préférence de place conditionnée et la sensibilisation comportementale. Nos résultats montrent que le LSP2-9166 à la dose de 0,5 mg/kg (par voie intrapéritonéale) bloque l'expression du souvenir laissé par les effets renforçants de la morphine ainsi que la réinstallation de ce comportement après une phase d'extinction. Ces effets semblent être spécifiques puisqu'à cette dose, le LSP2-9166 ne modifie ni l'état hédonique des animaux (mesuré par la consommation d'eau sucrée), ni leur capacité de mémorisation (test du labyrinthe en Y), ni leur locomotion et ni leur état émotionnel (anxiété évaluée par le test de la boite noire et blanche ; état dépressif mesuré par le test de la nage forcée). En revanche, nous n'avons pas observé d'effets du LSP2-9166 sur la sensibilisation comportementale à la morphine. Des études de dosage de neurotransmetteurs (glutamate, GABA et dopamine) par microdialyse dans le noyau accumbens sont en cours afin de comprendre le mécanisme d'action du LSP2-9166. Les résultats obtenus avec la cocaïne montrent que le LSP2-9166 ne modifie pas la préférence de place conditionnée induite par ce psychostimulant. L'ensemble de ces résultats montrent pour la première fois que le groupe III des récepteurs mGlu est impliqué dans les effets renforçants de la morphine et pourrait représenter une nouvelle cible thérapeutique dans l'addiction aux opiacés.

  • Titre traduit

    Group III metabotropic glutamate receptors: a new target in opioid and cocaine addiction?


  • Résumé

    Addiction to drugs, such as opiates (morphine and its derivatives) or cocaine, is a major public health issue since it results in significant morbi-mortality and affects all segments of the population regardless of socioeconomic status, age or gender. This chronic and progressive psychiatric illness is characterized, among others, by a compulsive use of psychoactive substances. There are currently still not enough effective therapies to cure the most important problem, drug relapse. Thus, identification of new therapeutic targets is needed. Preclinical data obtained in the past few years showed that the glutamatergic system was a promising target in the treatment of addiction. Indeed, relapses are accompanied by an increase in glutamate release in brain structures involved in drug effects, suggesting that inhibiting this release would block relapse. An original approach to inhibit glutamate release is to stimulate presynaptic glutamatergic receptors. We used this strategy in this work by targeting group III metabotropic glutamate receptors and especially mGlu4 and mGlu7 receptors using the LSP2-9166, an orthosteric agonist for these two receptors, designed and synthesized by Dr. Francine Acher's team (CNRS UMR 8601). In mice, we tested the effect of LSP2-9166 in two models of addiction to morphine and cocaine: the conditioned place preference and behavioral sensitization. Our results show that the LSP2-9166 at the dose of 0.5 mg/kg (administered intraperitoneally) blocks the expression of morphine reinforcing effects as well as the reinstatement of this behavior after an extinction phase. These effects appear to be specific because at this dose, LSP2-9166 does not alter animal hedonic state (measured by sucrose consumption), memory performance (assessed with the Y-maze), locomotion or their emotional state (anxiety evaluated with the black and white box test; depressant effects measured with the forced swim test). However, we were unable to see any effects of LSP2-9166 on morphine behavioral sensitization. Microdialysis experiments to quantify neurotransmitters (glutamate, GABA and dopamine) release in the nucleus accumbens are ongoing in order to understand the mechanism of action of LSP2-9166. The results obtained with cocaine show that LSP2-9166 does not alter the conditioned place preference induced by this psychostimulant. All these results clearly demonstrate, for the first time, that group III mGlu receptors is involved in the rewarding effects of morphine and could represent a therapeutic target in opioid addiction.