Thèse soutenue

De l'exception à l'insertion : les établissements charitables dans la fabrique urbaine d'Istanbul (1860-1914)

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Auteur / Autrice : Gabriel Doyle
Direction : Nathalie Clayer
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance le 08/12/2021
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Bernard Heyberger
Examinateurs / Examinatrices : Bernard Heyberger, Catherine Maurer, Jean-François Pérouse, Romain Bertrand, Shirine Hamadeh
Rapporteurs / Rapporteuses : Catherine Maurer, Jean-François Pérouse

Résumé

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Cette thèse se penche sur deux phénomènes concurrents qui n’ont pas été auparavant associés dans l’historiographie : l’élan charitable des congrégations catholiques à Istanbul et la transformation urbaine de la capitale ottomane dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Pour comprendre la relation entre ces deux mouvements parallèles, cette thèse approche les établissements charitables et les œuvres sociales catholiques par le prisme de l’urbain, comme une configuration spatiale et matérielle qui s’impose après la guerre de Crimée (1853-1856). Pour ce faire, ce travail fait usage de plusieurs fonds d’archives dans des langues variées qui adressent la question de l’installation d’établissements charitables dans la ville et de leur activité au quotidien. À partir de cet ensemble documentaire, la thèse dégage une série de cas d’étude à l’échelle micro qui reflètent les stratégies congréganistes et les réponses locales dans une ville en reconfiguration. Ce travail se penche d’abord sur les trajectoires spatiales des congrégations dans la ville, en observant par exemple dans quel quartier elles s’établissent et pour quelle raison. Ces itinéraires interrogent le lien entre les établissements charitables et le milieu social catholique stambouliote, des familles aisées installées dans la ville depuis plusieurs générations aux migrants travailleurs récemment venus d’Europe. Le cas des congrégations montre aussi plus généralement une insertion dans un carrefour des cultures de la charité et de la prise en charge issues de différentes traditions religieuses, de l’évergétisme bourgeois ou de l’aide humanitaire en contexte de crise. Réévaluer Istanbul comme ville imprégnée de l’impératif charitable permet ainsi de complexifier le récit de l’Occidentalisation de la ville au XIXe siècle tel qu’il a été avancé par l’historiographie. Enfin, ce travail vient remettre en question les lectures unidirectionnelles de la présence missionnaire comme le fruit d’intérêts impérialistes ou coloniaux. Malgré la domination économique et juridique des États qui protègent ces missions, la France, l’Autriche-Hongrie ou l’Italie, les acteurs congréganistes se retrouvent souvent en contexte d’incertitude, de rivalité interne, d’insubordination vis-à-vis de leurs États protecteurs et de dépendance envers des acteurs locaux. C’est aussi une tension spatiale qui apparaît entre un idéal de l’extraterritorialité et de la clôture, où la démarcation entre l’établissement et la ville ottomane est hermétique, et les pratiques spatiales qui remettent en cause cette frontière physique et idéelle, comme les interactions avec le voisinage ou les contraintes fiscales et foncières imposées par les autorités ottomanes.