Pêches Lapita en Océanie Lointaine : le site de Teouma (c. 3000-2500 B.P.), Vanuatu
Auteur / Autrice : | Laurie Bouffandeau |
Direction : | Éric Conte, Philippe Béarez |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Préhistoire, Anthropologie biologique et Ethnologie - Spécialité : Archéozoologie |
Date : | Inscription en doctorat le 06/12/2016 Soutenance le 27/11/2020 |
Etablissement(s) : | Polynésie française |
Ecole(s) doctorale(s) : | Ecole Doctorale du Pacifique (ED 469) - Polynesie française |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CIRAP - Centre International de Recherche Archéologique sur la Polynésie - UMR 7209 - AASPE (Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements), CNRS / Muséum national d'histoire naturelle |
Financement : LabEx CORAIL |
Mots clés
Résumé
L’ichtyoarchéologie est restée pendant longtemps en marge de la recherche océanienne, notamment à cause de l’extrême biodiversité marine du bassin indopacifique et de l’état de conservation généralement médiocre des vestiges fauniques en zone intertropicale. Toutefois, le site de Teouma, fouillé entre 2004 et 2010 et associé à la phase de peuplement initial du Vanuatu, a livré un assemblage d’ichtyofaune sans précédent dans la région. Près de 40 000 restes de poissons ont été mis au jour au sein du cimetière Lapita et du dépotoir adjacent (c. 3000-2800 B.P.) ainsi que dans les niveaux culturels Arapus et Erueti (c. 2800-2500 B.P.). Le travail doctoral présenté ici s’est attelé à démontrer que l’ichtyoarchéologie a toute sa place dans le processus de résolution des problématiques archéologiques locales (pratiques halieutiques, alimentation, stratégies de subsistance et impact anthropique) lorsque les protocoles méthodologiques les plus performants sont appliqués. La détermination anatomique et taxinomique exhaustive des restes, l’examen de leur répartition spatiale, l’estimation des poids individuels et la multiplication des critères interprétatifs (traits écologiques, paléoenvironnements et efficience des techniques) ont fourni des données inédites et détaillées. Au total, 13 047 éléments, appartenant à 35 familles de poissons osseux et cartilagineux, ont pu être identifiés. Les résultats confirment l’hypothèse d’une exploitation généraliste et strictement côtière des ressources marines par les Lapita, toujours à proximité immédiate des sites d’occupation. Cependant et bien qu’elles soient habituellement focalisées sur les herbivores de récif, les activités de pêche Lapita documentées à Teouma ciblent en priorité et en masse les carnivores et omnivores grégaires qui évoluent dans la baie et dans l’estuaire (Selar spp., Mugilidae, Katsuwonus pelamis), probablement au moyen de filets encerclants déployés collectivement depuis des embarcations et le rivage. Des espèces d’eau douce (Eleotridae) et nombre de poissons coralliens (Scaridae, Acanthuridae, Serranidae) ont également été capturés grâce à des engins dont le maniement est individuel (nasses, lignes et foënes) et à des méthodes difficilement décelables archéologiquement (collecte à la main, piégeage et empoisonnement). Les techniques et les dispositifs mis en œuvre tout au long de la séquence sont polyvalents, complémentaires et adaptés à tous types de milieux. Les écosystèmes marins semblent ne pas porter de stigmates d’une surpêche mais un potentiel cas de disparition locale a néanmoins été recensé chez les taxons dulçaquicoles (Giuris sp.1). Les indices obtenus lors de l’analyse spatiale et de l’évaluation de la part du poisson dans l’alimentation laissent entendre que le site pourrait n’avoir été fréquenté que de manière ponctuelle et éphémère (évènements communautaires et/ou rites funéraires) et que la zone d’habitat est peut-être située ailleurs, à distance du cimetière.