Thèse soutenue

La Loi de L'eau : autorité des femmes wayuu et politisation de la nature au prisme du capitalisme minier (Haute et Basse Guajira colombiennes)
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Auteur / Autrice : Inés Calvo Valenzuela
Direction : Philippe DescolaLaurent Berger
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et ethnologie
Date : Soutenance le 15/05/2023
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Alessandro Mancuso
Examinateurs / Examinatrices : Alessandro Mancuso, Barbara Casciarri, Stuart Kirsch, Pascale Absi, Vincent Hirtzel
Rapporteurs / Rapporteuses : Barbara Casciarri, Stuart Kirsch

Résumé

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Les Wayuu impliqués dans le conflit politique et environnemental résultant des activités extractives de la plus grande mine de chabron à ciel ouvert du continent américain, traduisent l’« aku’waipa », qui signifie littéralement « notre façon d’agir » par « la loi wayuu ». Cette étude cherche à analyser comment cette « façon d’agir» est réinventée à la lumière des nouvelles définitions ontologiques conférées aux éléments du milieu environnant que les Wayuu sont contraints d’élaborer en contexte de crise environnementale, au sud de la péninsule guajira en Colombie (La Basse Guajira). Au nord (La Haute Guajira), les relations intersubjectives entre les humains et les éléments du milieu se déploient à travers la communication que les premiers entretiennent avec les esprits tutélaires des seconds. Au cœur de cette relation, les femmes wayuu ont toujours une place centrale en raison, entre autres, du savoir acquis pendant les rites d’initiation qui leur sont exclusivement destinés. Ces relations interspécifiques ont largement disparu dans La Basse Guajira. L’accaparement et la pollution des terres et des sources d’eau, résultant de l’expansion minière, ont conduit à un abandon généralisé des rituels et des pratiques magico-religieuses. Cette thèse constitue la première ethnographie menée conjointement chez les Wayuu du nord et du sud de la péninsule colombienne. Grâce à 22 mois de terrain ethnographique, il a été observé et analysé l’évolution différenciée des rapports sociaux, au regard des modifications du milieu environnant liées à l’implantation d'une gigantesque mine de charbon et aux dynamiques économiques du marché qu’elle a favorisé dans la région. Une focalisation sur les mutations pratiques, symboliques et économiques, mais aussi discursives des usages de l’eau dans cette région désertique fait constater des conduites différenciées des hommes et des femmes selon l’organisation sociale et politique régissant l’implantation géographique des familles et des clans. Alors que dans le nord l’esprit tutélaire (féminin) de l’eau continue à influencer l’usage que les humains en font – et à réguler les rituels et les dynamiques d’occupation du territoire –, une nouvelle organisation sociale émerge à 300 kilomètres au sud, centrée sur les hommes qui ont un accès exclusif aux terres et aux points d’eau. Cependant, l’eau, départagée entre des significations ontologiques à la fois naturalistes et animistes mises en avant par les militants wayuu s’opposant à la prédation extractive, cet élément est la clé de voûte des pratiques politiques et économiques. L'eau hiérarchise le rôle des humains, selon ses usagers : elle détermine « la façon d’agir ».