La famille chinoise dans la diversification actuelle des modes de vies : les personnes entre intégration et exclusion ? Enquête dans la ville nouvelle et frontalière de Shenzhen

par Nicolas Chamard

Thèse de doctorat en Sociologie, anthropologie, ethnologie

Sous la direction de Catherine Capdeville-Zeng.

Thèses en préparation à Paris, INALCO , dans le cadre de École doctorale Langues, littératures et sociétés du monde (Paris) depuis le 01-10-2014 .


  • Résumé

    Cette thèse porte sur l’analyse des modes de vies actuels en Chine au sein de l’institution qu’est la famille chinoise. A travers trois cas, ceux du célibat prolongé, de l’homosexualité et du recours au divorce, elle s’interroge sur les conditions d’intégration et d’exclusion des personnes, et cherche à comprendre si les principes traditionnels de la vie familiale chinoise sont mis sous tension par la vie moderne. Shenzhen, terrain de l’enquête, est une ville particulière. Elle est l’une des plus récentes et a été développée suite à la réforme politique d’ouverture de la Chine dans les années 1980. Cette mégalopole, construite le long de la frontière qui sépare la Chine continentale de Hong Kong, est aujourd’hui principalement habitée par une population de migrants originaires de toute la Chine, des néo-habitants qui réinventent ou réinterprètent dans ce lieu leurs façons de vivre locales. Qu’advient-il de la première règle de la famille chinoise la piété filiale (xiao 孝) dans le contexte moderne ? Malgré les nombreuses adversités vécues au vingtième siècle, aujourd’hui de nombreux Chinois font référence à une conception solide de la vie de famille lorsqu’ils annoncent être « traditionnels », en imaginant une existence conforme à un cadre fixé par les ainés et des principes hérités du passé. Les cas des filles restantes « à marier », ceux des hommes homosexuels et des personnes divorcées permettent d’analyser les éléments mis en avant comme participant de la tradition et ceux qui paraissent nouveaux, car on retrouve des traces de ces pratiques dans l’histoire chinoise. L’analyse de la situation actuelle montre une combinaison entre une continuité dans les pratiques familiales considérées comme traditionnelles et de nouvelles perspectives modernes, mais cela ne valide pas l’hypothèse d’une franche rupture et une transformation en profondeur des relations familiales. Les filles célibataires supportent les pressions parentales et sociétales, les garçons homosexuels souhaitent rendre leurs parents heureux et les personnes divorcées s’appuient fréquemment sur leurs familles pour amortir les conséquences de leurs séparations. La famille reste ainsi une niche de relations d’entraide au cœur d’une société chinoise en forte reconfiguration avec l’urbanisation massive, l’accès à la petite prospérité de la plupart, l’informatisation poussée, etc., sous un fort contrôle étatique empêchant la naissance d’un véritable sujet autonome.


  • Résumé

    Practices like lifelong celibacy, homosexuality and divorce are undermining the traditional principles of Chinese family life. Shenzhen, the field of my investigation, is a special city. Following the political reform and China's opening-up policy, it is one of the emerging cities in China in recent years. A megalopolis was built along the border between mainland China and Hong Kong, an island in some aspects still drawing tremendous western influence and integrating western values. A number of migrants from all over China today make up the main population of Shenzhen. For such newcomers to the city, their lives, and especially their traditions, in turn have been altered and reshaped. It is possible the modern forms of life we find today in Shenzhen have a more "individualistic" character, which meanwhile gives insight into the evolution of Chinese values and the development of new forms of family relationships in China. The first rule that governs the Chinese family is filial piety (xiao 孝). Despite the many adversities experienced in the twentieth century, today many Chinese people refer to a solid conception of family life when they claim to be "traditional", always imagining an existence conforming to a framework set by the elders and principles inherited from the past, because there are traces of these practices in Chinese history. Finally, the analysis of the current situation shows a combination of continuity in family practices and new modern perspectives, but this does not validate the hypothesis of a frank break. Single girls bear the pressures, gay boys want to make their parents happy, and divorced people have been able to rely on their families to cushion the consequences of their separations. The family remains a niche of mutual aid relationships at the heart of a Chinese society undergoing strong reconfiguration with massive urbanization, most citizens had gained increasing access to the small prosperity, advanced computerization, etc., under strong state control which prevents the birth of a real autonomous subject.