Thèse de doctorat en Arts : esthétique, pratique et théories
Sous la direction de Anne Volvey et de Marion Trousselard.
Thèses en préparation à l'Artois , dans le cadre de ED Sciences Economiques, Sociales, de l'Aménagement et du Management (N°73) , en partenariat avec France. Institut de recherche biomédicale des armées (laboratoire) depuis le 12-09-2014 .
Les missions en environnements isolés et confinés (sous-marins, vaisseaux spatiaux), ainsi que les séjours en environnements extrêmes et inhabituels (hivernages antarctiques) exposent les individus à des perturbations sensorielles et cognitives qu’ils n’auraient pas eu à connaître dans un rapport à un espace classique : le confinement dans un volume restreint et la vie en atmosphère artificielle, la soustraction à cycle lumineux naturel traditionnel voire à la lumière naturelle, l’exposition à un bruit constant, ainsi qu’une promiscuité forcée, l’isolement d’avec la famille et proches, etc. Autant de situations que la littérature scientifique relève de façon constante comme facteurs de stress. Par ailleurs, il est établi qu’un espace délétère implique pour les individus une baisse de leur vigilance/performance, mais également une atteinte à leur bien-être ce qui, dans un second temps, par un mécanisme récursif, contribue à faire baisser un peu plus leur vigilance/performance. Le corolaire d’une telle constatation est la recherche de contre-mesures destinées à prévenir, limiter ou soulager ce stress aigu chronique afin de garantir le mieux-être et donc la performance des individus concernés. Également, si les études actuelles se concentrent sur ces facteurs de stress pris indépendamment les uns des autres, une vision globale des conditions de vie dans de tels espaces pointe la non-discontinuité du temps et de l’espace – c’est-à-dire caractérisées par l’absence de rupture et la linéarité dans l’expérience cognitive et sensorielle –, comme point commun à toutes les perversions du lien de l’individu à son espace et, via l’espace, du lien de l’individu à l’individu – que ce soit à lui-même ou à l’Autre. Aujourd’hui, les pistes d’amélioration des conditions de vie, visant à réduire ce stress chronique aigu, peuvent/doivent être recherchées du côté de la conception des enveloppes de confinement (sous-marin, station spatiale, base polaire), véritables matrices garantes de la survie des individus. Cette intuition est étayée par les recherches de Donald Hebb, neuropsychologue canadien, qui, dans les années soixante, notait chez les rats l’impact positif d’un environnement riche en stimulations sensorielles. De tels environnements présentent également un bénéfice certain dans le traitement de certains cas d’autisme, ou dans la prise en charge précoce de la maladie d’Alzheimer. En revanche, la littérature scientifique semble plus discrète sur le bénéfice de dispositifs spatiaux similaires sur des sujets sains, en situations délétères et ainsi soumis à un stress chronique aigu. Cette discrétion ne peut que renforcer la curiosité scientifique. Les possibilités de prise en charge du stress des individus, qui constituera le cœur de cette recherche, impliquent la construction d’un corpus de contre-mesures pertinentes qui passe par une réflexion sur le rapport de l’homme à l’espace – dans ses dimensions environnementale, publique, intime, proxémique, etc. –, les différents sens humains (la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût), par la façon dont ils sont sollicités ou non, et par la possible réintroduction d’éléments de discontinuité, de décalage(s), d’inattendu(s), de surprise(s) dans la routine spatio-temporelle confinant à monotone dangereux. Cette thèse propose une co-direction originale et inédite qui, afin de mener une réflexion sur le design d’environnements enrichis, lui permettra d’emprunter à la fois à la démarche du géographe (Université d’Arras) et à celle du neuroscientifique (Institut de recherche biomédical des Armées – IRBA). La méthodologie transversale s’appuiera également sur la démarche de « recherche-projet » afin d’aboutir à des pistes de solutions pertinentes et crédibles, implémentables sur les différents terrains étudiés. L’enjeu théorique tient aussi dans la démonstration de l’intérêt que représente une approche interdisciplinaire mêlant les démarches de la géographie (science de l’espace), des neurosciences (sujet), et du design (pratique des relations sujet-espace), c’est-à-dire un travail autour de problématiques appliquées qui concernent la gestion du stress. Ce travail de recherche s’appuiera ainsi sur la rigueur méthodologique des protocoles scientifiques et des relevés quantitatifs propres aux neurosciences, avec des remontées de traitement de signaux (électrocardiogrammes, électroencéphalogrammes ou diverses analyses biologiques) qui viseront notamment à détecter/quantifier la perversion du rapport de l’individu à l’espace, signe d’un besoin d’intervention, afin d’améliorer les conditions de (sur)vie dans les environnements étudiés. De tels protocoles serviront également par la suite à mesurer la performance des interventions spatiales proposées comme contre-mesures potentielles au stress des individus. Cette recherche sera également l’occasion d’observations de terrains, d’enquêtes et d’entretiens (individuels ou lors de focus group), relevant de procédures qualitatives propres à une démarche contemporaine de géographe. Le point d’entrée de ce travail sera une attention portée à l’individu et sa spatialité avec un travail d’observation et de mise en perspective ; de nouveaux recueils d’expériences par entretiens auprès d’hivernants polaires, de sous-mariniers et d’astronautes ; de l’étude fine et éclairée de tout un corpus littéraire et scientifique existant, notamment des carnets polaires et autres journaux de bord publiés depuis les débuts des conquêtes sous-marine, antarctique et spatiale. Enfin, chaque piste d’interventions fera l’objet d’un protocole/projet. L’approche quantitative des neurosciences sera complétée de la démarche qualitative du géographe, sans oublier les dimensions esthétiques, voire sensuelles du designer. Ainsi, cette recherche tentera (1) de circonscrire/décrire/mesurer les facteurs de stress communément rencontrés lors de séjours en milieux isolés et confinés en s’interrogeant sur les différentes formes de spatialités – au sens de rapport à l’espace des sujets enquêtés et de l’articulation de ces rapports individuels dans une expérience et pratique communes –, (2) de proposer une approche critique des contre-mesures actuellement mises à disposition par la sphère scientifique – qui se limitent le plus souvent à des propositions isolées, dictées par une approche psycho-médicale pure, et décorrelées d’une pratique globale de la spatialité (exposition ponctuelle à un type de lumière, préconisation de plages d’exercice physique, supplémentation alimentaire pour combler certaines carences induites par un déséquilibre alimentaire et/ou la non-exposition à la lumière du jour, etc.) –, (3) de suggérer d’autres pistes de contre-mesures, notamment constituées par des interventions sur la spatialité des missions concernées afin de tenter d’introduire des éléments de rupture propre à rétablir une discontinuité de l’expérience, et (4) de travailler à une implémentation crédible sur les terrains étudiés (sous-marins nucléaires, bases antarctiques et futurs vols spatiaux de longue durée – ces environnements étant entendus comme « analogues »).
From nuclear submarines to the Martian challenge, a designer's look on the sensoriality of individuals in isolation and confinement
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