Thèse soutenue

La qualification par les enseignants de collège : construction, justification et protection : esquisse d'une sociologie pragmatique du jugement enseignant

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Auteur / Autrice : Vincent Laclau
Direction : Françoise Lantheaume
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'éducation
Date : Soutenance le 07/12/2018
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'éducation, psychologie, information et communication (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : ECP - Éducation, Cultures, Politiques (Lyon ; 2011-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Jury : Président / Présidente : Patrick Rayou
Examinateurs / Examinatrices : Lucie Mottier Lopez
Rapporteurs / Rapporteuses : Pascale Garnier, Guy Lapostolle

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Dans une société méritocratique, qui réserve les places sociales les plus désirables aux individus les plus méritants, l’évaluation scolaire occupe une place centrale. De par sa fonction de sélection, elle conduit en effet à la répartition des individus entre les filières de formation et, in fine, aux différents statuts professionnels. Selon la réglementation en vigueur, ce sont les enseignants qui sont chargés d’effectuer l’évaluation scolaire. L’enquête exploratoire conduit à s’intéresser au jugement des enseignants : la construction des avis scolaire des professeurs ne repose pas sur la simple application de techniques d’évaluation, mais elle met en œuvre des méthodes ordinaires de jugement. Une des propriétés du jugement enseignant est d’être constamment soumis à la possibilité d’une critique, susceptible de provenir de diverses catégories d’individus. Cette recherche consiste à analyser ce qui, dans l’activité scolaire, permet aux enseignants de se prémunir contre la critique, de l’anticiper, de la maîtriser.L’étude de la littérature scientifique montre que la question du jugement enseignant se constitue en problème scientifique au cours du XXe siècle, à partir du constat empirique de ses défaillances. Les recherches successives s’émancipent peu à peu du regard normatif pour construire des modèles explicatifs de l’évaluation scolaire comme phénomène social, en puisant dans les ressources des sciences sociales. Un mouvement plus récent, dans la continuité duquel ce travail s’insère, adopte une posture plus compréhensive, en laissant une large place à la subjectivité des professeurs. Ces derniers construisant leur jugement lors des interactions vécues dans le cadre de leur travail ordinaire, deux courants sociologiques sont convoqués : premièrement, la sociologie pragmatique, dont un des concepts centraux, l’épreuve, permet de décrire et d’analyser le travail de qualification des élèves dans le cadre pédagogique ; deuxièmement, l’interactionnisme symbolique d’Erving Goffman. Le recueil des données qualitatives s’inspire des méthodes ethnographiques. Le travail de jugement de onze enseignants de collège de l’agglomération de Lille a été observé et a fait l’objet d’entretiens conduisant à l’explicitation des pratiques. L’analyse des données privilégie un raisonnement inductif fondé sur la méthode de théorisation ancrée.Les résultats se déclinent selon deux idées principales. Premièrement, le fait que les élèves sont qualifiés dans le cadre d’épreuves, au sens de la sociologie pragmatique, c’est-à-dire d’interactions visant à un accord sur la qualification d’un être humain ou d’un objet. Les épreuves sont conduites en référence à des principes de justice et par l’engagement dans la situation d’objets ou d’individus qui peuvent être requalifiés au cours de l’épreuve. La qualification des élèves demande donc, de la part du professeur, la constitution d’un dispositif assez solide, sur lequel s’appuyer lors des épreuves, s’il veut garantir la légitimité de son jugement. Deuxièmement, parmi toutes les épreuves de qualification des élèves, l’évaluation pratiquée par les professeurs est une tentative d’industrialisation du jugement ordinaire des enseignants. L’évaluation scolaire est identifiée à un ensemble spécifique d’épreuves difficiles à contester sans remettre en cause une construction théorique et pratique, à la fois cohérente et robuste. En ceci, les épreuves évaluatives constituent un point d’appui incontournable pour la conduite du travail enseignant. Elles définissent des procédures, proposent des étalons de valeur, des modèles de référence, un répertoire d’actions, une grammaire professionnelle, qui se déploient dans un monde tourné vers l’efficacité, le rendement, la mesure, l’objectivité. Cette attraction industrielle peut toutefois entraver la conduite ordinaire du jugement enseignant, en délégitimant d’autres moyens dont il dispose pour connaître ses élèves et construire les situations d’apprentissage.