Thèse soutenue

Evolution des transmissions glutamatergiques dans le cortex au cours du développement chez la souris : impact d'un anesthésique, la kétamine, sur le développement du R-NMDA

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Auteur / Autrice : Maryline Lecointre
Direction : Isabelle Leroux-NicolletSylvie Jégou
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie cellulaire - Neurosciences
Date : Soutenance en 2014
Etablissement(s) : Rouen
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Normande de biologie intégrative, santé, environnement (Mont-Saint-Aignan, Seine-Maritime)

Mots clés

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Résumé

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Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central (SNC). Les transmissions glutamatergiques jouent un rôle majeur dans certains aspects du développement du SNC, en particulier la migration, la différenciation et la plasticité des circuits neuronaux. L’activation physiologique du récepteur sensible au N-Méthyl-D-Aspartate (R-NMDA) est particulièrement impliquée dans les effets développementaux du glutamate. De ce fait, un blocage ou une activation excessive de ce récepteur peut conduire à des dommages cellulaires. Le R-NMDA est un récepteur ionotrope hétérotétramérique perméable aux cations largement exprimé dans le SNC et constitué de différentes sous-unités (GluN1, GluN2A-D et GluN3A-B). Dans le cortex, il est composé de deux sous-unités GluN1 obligatoires liant le co-agoniste, glycine ou D-sérine, associées majoritairement à des sous-unités GluN2A et/ou GluN2B, liant le glutamate. La composition en sous-unités GluN2 du R-NMDA, donne au récepteur des propriétés pharmacologiques et électrophysiologiques distinctes. De plus, les R-NMDA contenant la sous-unité GluN2A seraient impliqués dans la survie cellulaire et ceux comportant la sous-unité GluN2B seraient impliqués dans la mort cellulaire. Les protéines PDZ, appartenant à la famille des MAGUK (membrane-associated guanylate kinase), notamment PSD95 (postsynaptic density 95) et SAP102 (synapse associated protein 102) interagissent avec les R-NMDA et jouent un rôle dans leur stabilisation membranaire. Récemment, il a été montré que l’interaction GluN2A/PSD95 jouait un rôle dans la maturation synaptique. Des agents pharmacologiques utilisés en anesthésie, comme la kétamine, sont des antagonistes du R-NMDA. Cet anesthésique présentant de nombreux avantages cliniques (faible impact sur les fonctions respiratoires et cardiaques), est utilisé en pédiatrie dans le but de sédater lors de gestes médicaux de courte durée. Cependant, plusieurs études expérimentales mettent en cause l’innocuité de l’utilisation de la kétamine. En effet, l’administration de kétamine entraîne une augmentation de la mort cellulaire apoptotique dans le cortex cérébral de souris nouveau-née. Par ailleurs, une étude récente du laboratoire a montré ex vivo dans le cortex de souris âgée de 2 jours, que la kétamine induit des effets différents sur la survie cellulaire selon les couches corticales considérées. Dans le cadre de cette thèse, dans une première partie, nous avons réalisé une étude comparative des conséquences de l’administration de kétamine in vivo, chez la souris nouveau-née (40 mg/kg s. C), en fonction de l’âge auquel celle-ci est injectée (jours postnataux 2, 5 ou 10). - A court terme, nous avons mesuré l’effet sur le développement cortical post-natal du R-NMDA et sur son association aux MAGUK. - A long terme, nous avons évalué l’impact de la kétamine administrée à différents âges postnataux, sur l’activité motrice mesurée à l’âge adulte dans deux contextes différents. Vingt-quatre heures après l’injection de kétamine, l’expression des protéines GluN2A et GluN2B est diminuée lorsque le traitement est réalisé respectivement à P5 ou P10. Après immunoprécipitation de la protéine d’adressage membranaire PSD95, la révélation par western blot indique que quelque soit l’âge du traitement, la kétamine entraîne une diminution de l’association de la sous-unité GluN2A à PSD95, tandis que le complexe GluN2B/PSD95 est augmenté uniquement lorsque le traitement est réalisé à P5. A ce stade, cette perturbation de l’expression des sous-unités GluN2A et GluN2B est associée à une diminution de la phosphorylation de ERK1/2 et une augmentation de la protéine nNOS liée à PSD95 et GluN2B. L’ensemble de ces résultats indique donc que la kétamine altère le profil développemental des sous-unités du R-NMDA, suggérant un retard dans la maturation synaptique. De plus, à P5, le traitement a des répercussions fonctionnelles sur les cascades de signalisation intracellulaire. La microdissection laser réalisée sur le cortex de souris contrôles, révèle une hétérogénéité de répartition des sous-unités du R-NMDA entre les couches corticales superficielles immatures (I-IV) et les couches corticales profondes matures (V-VI). La kétamine perturbe ce profil, en diminuant la sous-unité GluN2A dans les couches superficielles chez la souris traitée à P5 et en augmentant les sous-unités GluN1, GluN2A et GluN2B dans les couches profondes lorsque le traitement est réalisé à P10. A plus long terme, l’administration de kétamine à P2 ou P10 entraîne une hyperlocomotion en open-field, chez les souris mâles devenues adultes, sans aucun effet chez les femelles. La mesure de l’activité motrice volontaire durant 72 h dans une roue d’activité placée dans une cage de vie, révèle des altérations induites à l’âge adulte par la kétamine administrée en période périnatale, dépendantes de l’âge et du sexe. En conclusion, de cette première partie de thèse, une seule injection de kétamine quelque que soit l’âge de traitement en période périnatale, entraîne des modifications du profil développemental du R-NMDA à court terme et des altérations de l’activité motrice persistant à l’âge adulte. En dépit des progrès réalisés en obstétrique et en néonatologie, les lésions cérébrales du nouveau-né restent fréquentes (2 à 2,5 enfants pour 1000 naissances). Elles constituent la principale cause de décès et de handicaps moteurs acquis en période périnatale. De nombreux facteurs de risque sont identifiés, tels que la prématurité, les accidents hypoxo-ischémiques, les infections foeto-placentaires, les déficits hormonaux et les facteurs toxiques (alcool, drogues). Une activation excessive de la transmission glutamatergique est souvent à l’origine de lésions acquises en période périnatale. L’excès de glutamate entraîne une suractivation de ses récepteurs dont le R-NMDA, aboutissant in fine à la mort cellulaire par apoptose et/ou nécrose. La proximité des microvaisseaux cérébraux avec les cellules neurales et la présence de R-NMDA fonctionnels sur les cellules endothéliales microvasculaires cérébrales (CEMC) suggèrent une influence particulière des CEMC sur les neurones corticaux lors de phénomènes excitotoxiques. Les concentrations synaptiques de glutamate sont régulées grâce à des transporteurs ATP-dépendants, présents à la membrane des cellules gliales et des neurones. Cinq types de transporteurs sont connus (excitatory amino acid transporters ; EAAT) : les EAAT-1 et -2 sont principalement exprimés par les astrocytes et les EAAT-3 et -4 sont préférentiellement exprimés par les neurones. Récemment, il a été démontré que les EAAT-1, -2 et -3 étaient également exprimés par les cellules endothéliales vasculaires adultes, suggérant ainsi un rôle de l’endothélium dans le contrôle des concentrations extracellulaires de glutamate. Cependant, une étude récente effectuée dans notre laboratoire, montre des différences de sensibilité au glutamate entre les CEMC murines néonatales et adultes. Ainsi, dans le cadre de cette thèse, dans une seconde partie, nous nous sommes intéressés à l’expression des EAAT-1, -2 et -3 au sein des microvaisseaux corticaux de souris nouveau-nées et adultes, ainsi qu’à la capacité de recapture du glutamate par les CEMC. Nous avons montré que l’expression des EAAT-1, -2 et -3 au sein de l’endothélium cérébral était plus importante chez l’adulte que chez le nouveau-né et que la capacité de recapture du glutamate par les CEMC était plus efficace chez l’adulte que chez le nouveau-né. Cette étude indique donc qu’il existe une régulation du glutamate extracellulaire par les cellules endothéliales et que cette régulation dépend de l’âge.