Thèse soutenue

Étude expérimentale de la carbonatation du basalte

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Gabrielle J. Stockmann
Direction : Eric H. OelkersSigurdur R. Gislason
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la terre et des planètes solides
Date : Soutenance en 2012
Etablissement(s) : Toulouse 3

Résumé

FR  |  
EN

La concentration croissante de CO2 dans l'atmosphère et les dangers potentiels qu'elle représente pour la terre au travers des changements climatiques, l'acidification des océans et l'élévation du niveau de la mer a conduit à un certain nombre de projets qui tentent de trouver un moyen sûr et inoffensifs pour capturer et stocker le CO2 dans des formations géologiques. Une de ces tentatives se déroule actuellement en Islande à la centrale géothermique Hellisheiði, située à proximité de la capitale, Reykjavik (le projet CarbFix). Le dioxyde de carbone et d'autres gaz comme H2S, N2, H2, CH4, et Ar sont des sous-produits de l'exploitation de l'énergie géothermique et l'objectif est de stocker tout ce CO2 dans les formations basaltiques qui se situent sous Hellisheiði. Le CO2 est dissous dans un courant d'eau injecté par pompage dans puits jusqu'à à 350 mètres de profondeur et qui s'écoule ensuite au sein d'horizons mixtes de verre basaltique et de basalte cristallin. Les roches basaltiques sont caractérisées par des teneurs élevées en cations divalents comme Mg2+, Fe2+ et Ca2+ et des vitesses de dissolution relativement rapides. L'eau acide chargée en CO2 dissout le basalte, libérant ainsi des cations qui peuvent réagir avec les ions carbonates pour former des minéraux carbonatés (magnésite, sidérite, calcite, ankérite ainsi que des solutions solides (Ca-Mg-Fe)CO3)). Si on admet que c'est la dissolution des roches basaltiques qui contrôle ce processus de séquestration du carbone, on peut en déduire que tout ce qui pourra limiter cette dissolution sera préjudiciable à l'ensemble du processus de confinement du CO2. Mon rôle dans le projet CarbFix a été d'examiner les effets de la formation de revêtements de carbonate de calcium sur la dissolution des phases primaires de basalte. Je me suis concentrée sur le verre basaltique et le clinopyroxène, diopside, afin de comparer des phases cristallines et non cristallines. En outre, une série d'expériences ont été menées pour étudier l'effet de la structure du minéral primaire sur la nucléation de calcite. Ces expériences ont été faites pour vérifier si les différentes structures de silicate conduiraient à une différente étendue de la nucléation et croissance de la calcite à la surface des silicates. Enfin, de nombreuses expériences de dissolution de verre basaltique ont été menées en présence de bactéries hétérotrophes mortes et vivantes, Pseudomonas reactans, afin de déterminer l'effet des bactéries sur la dissolution des roches dans le système des eaux souterraines du site Hellisheiði. Les expériences de dissolution de verre basaltique et de diopside ont été réalisés à 25 et 70 °C pour un pH de 7-8 dans des réacteurs à circulation alimentés en solutions de forces ioniques > 0,03 mol / kg contenant CaCl2 ± NaHCO3. Deux séries d'essais ont été menés simultanément, une série appelée essais de 'précipitations' au cours de laquelle la solution dans le réacteur était sursaturée par rapport à la calcite, et l'autre série appelée essais de 'contrôle', pour laquelle la modélisation PHREEQC ne prévoyait pas formation de minéraux secondaires. Ainsi, il a été possible de comparer les vitesses de dissolution du verre basaltique et du diopside à 25 °C avec et sans la formation de carbonate de calcium et d'autres minéraux secondaires afin d'en déduire leur effet sur les vitesses de dissolution. Les images de microscopie électronique à balayage ont montré que des quantités importantes de carbonate de calcium ont précipité au cours des expériences de 'précipitations' mais, dans le cas du verre basaltique la croissance primaire se présente sous forme gros amas discrets de calcite et d'aragonite qui ne se forment pas sur le verre lui-même. Par contre, plusieurs des cristaux de diopside ont été largement envahis par des revêtements de calcite sans aragonite décelable. Dans les deux cas, la présence de calcite / aragonite n'a pas eu d'incidence sur les vitesses de dissolution du verre basaltique et de diopside qui sont les mêmes que celles mesurées dans la série 'contrôle'. Il semblerait que la couverture discontinue et poreuse de carbonates permet aux ions des phases primaires de continuer à diffuser sans entrave à travers la couche secondaire. Pour mieux évaluer l'effet de la surface des silicates sur la nucléation de la calcite, les vitesses de dissolution de six minéraux et roches silicatés ont été mesurées à 25 °C dans des réacteurs à circulation en présence de solutions de pH ~ 9,1 sursaturées par rapport à la calcite. Les phases silicatées étaient les suivantes: olivine, enstatite, augite, labradorite, verre basaltique et péridotite. Les résultats montrent que le temps d'induction pour la nucléation de calcite et l'étendue de la couverture de carbonatée avec le temps varient selon la phase silicatée. Dans un même laps de temps l'olivine, l'enstatite et la péridotite (principalement composé d'olivine riche en Mg) étaient les plus couvertes par les précipitations de calcite, suivis par l'augite, la labradorite et enfin le verre basaltique. Toute la croissance de calcite a eu lieu sur la surface du silicate, y compris sur le verre basaltique. La cinétique favorise la croissance de calcite par nucléation sur les minéraux orthorhombiques (enstatite et olivine) par rapport aux minéraux monocliniques et tricliniques. Les plus faibles quantités de calcite ont été trouvées sur le verre qui n'a pas de structure silicatée ordonnée. Des bactéries hétérotrophes, Pseudomonas reactans ont été extraites de l'un des puits de contrôle à Hellisheiði et ont ensuite été séparées, purifiées et cultivées en laboratoire. Avec le bouillon de culture utilisé, les conditions de croissance optimales de cette bactérie sont 5-37 °C et un pH de 7,0 à 8. Cette bactérie, très commune dans l'eau et le sol, est une bonne candidate pour tester l'impact des bactéries hétérotrophes en général lors de la séquestration du CO2 dans un aquifère naturel comme en Islande. Les vitesses de dissolution du verre basaltique ont été mesurés à 25 °C dans des nouveaux réacteurs à circulation permettant d'opérer en présence de bactéries (BMFR) dans des solutions tamponnées transportant 0,1 à 0,4 g/L de bactéries mortes et 0,9 à 19 g/L de bactéries vivantes à 4 = pH = 10. Les résultats ont montré que la présence de ces bactéries n'avait quasiment pas d'effet effet sur la vitesse de dissolution. La conclusion générale de cette étude est que ni les revêtements de carbonate, ni les bactéries n'ont d'impact majeur sur les vitesses de dissolution des phases primaires silicatées. Ainsi, leur effet devrait être négligeable sur le processus de séquestration du CO2 sur le site Hellisheiði en Islande. Le basalte cristallin pourrait être recouvert plus rapidement en carbonate de calcium, mais le verre basaltique pourrait aussi servir de support pour la nucléation de calcite.