Thèse soutenue

Constructions historiographique et normative des figures du Prophète Muḥammad. Des premières attestations dans les sources au IIIe/IXe siècle

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Auteur / Autrice : Adrien de Jarmy
Direction : Mathieu Tillier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire du Moyen Âge
Date : Soutenance le 10/11/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Mondes anciens et médiévaux (Paris ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Orient et Méditerranée (Ivry-sur-Seine, Val de Marne ; 2006-....)
Jury : Président / Présidente : Mohammad Ali Amir-Moezzi
Examinateurs / Examinatrices : Harry Munt, Sarah Bowen Savant
Rapporteurs / Rapporteuses : Éric Vallet, Annliese Nef

Mots clés

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Résumé

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À l’image des discussions qui ont alimenté la mise au point de la méthode historico-critique pour étudier la réception des Écriture et la figure de Jésus dans le christianisme, les historiens des débuts de l’Islam débattent depuis plus d’un siècle de l’approche à adopter pour reconstituer la biographie de Muḥammad. Par ailleurs, depuis les premiers travaux des orientalistes, la recherche s’est focalisée sur l’étude du personnage historique et a délaissé l’examen des représentations variées du Prophète qui ont émergé à différents moments de l’histoire. L’objectif du présent travail est ainsi d’établir une méthode qui permette de dater et de localiser la mise en circulation de récits associés ou attribués à Muḥammad dans la tradition islamique (sīra-maġāzī, hadith et tafsīr-s) entre le Ier/VIIe et le IIIe/IXe siècle au Proche-Orient (Arabie, Syrie-Palestine, Irak-Iran, Égypte), et de replacer ces discours dans leurs contextes historiques respectifs et au sein des débats qui animent les premiers savants musulmans. À travers l’étude de l’émergence de l’autorité du Prophète et de ses différentes figures dans les textes, c’est une fenêtre qui s’ouvre sur la période formatrice de l’Islam, sur les processus qui norment l’écriture de l’histoire, le fiqh et la sunna, les premiers débats doctrinaux et théologiques, et avant l’effort de canonisation des textes qui débute au milieu du IIIe/IXe siècle. Cette méthode peut être résumée en trois points. Pour étudier l’évolution du sens de certaines racines ou de mots, on peut se fonder sur les principes de la sémantique historique énoncés par Koselleck. Pour analyser les récits, on peut compiler toutes les attestations dans le corpus pour réaliser des diagrammes permettant de retracer les étapes de leur circulation. En complétant la méthode du common link développée par Schacht, on peut alors établir des cas cliniques de structures de diagrammes. Les récits sont compilés dans une base de données relationnelle programmée en SQL et triés à l’aide de requêtes en SQL et en R. Enfin, les sources chrétiennes et les sources matérielles (épigraphie, papyrologie et numismatique) sont consultées pour préciser la datation et la contextualisation. La thèse est divisée en quatre parties. Dans la première, nous nous intéressons à l’émergence du prophétisme de Muḥammad et à ses attributs au Ier/VIIe siècle. Les chapitres 1 et 2 sont dédiés à l’évolution sémantique de quatre racines sémitiques employées pour nommer le Prophète : ḤMD, ʿBD, RSL et NBʾ. En repartant du travail de Paul Casanova, le chapitre 3 est consacré à l’analyse des discours eschatologiques et messianiques qui suivent sa mort. Dans la deuxième partie, nous montrons comment l’accroissement de la référence à Muḥammad dans le fiqh aboutit à l’établissement d’une première éthique islamique entre le Ier/VIIe et le IIe/VIIIe siècle. Les chapitres 4 et 5 concernent les pratiques de pureté rituelle et le pèlerinage, et le chapitre 6, le rôle de l’autorité prophétique dans la normalisation du ǧihād. Dans la troisième partie, nous repartons de la pensée de Maurice Ḥalbwachs pour étudier l’apparition d’une mémoire collective de l’histoire des débuts de l’Islam et les récits de fondation de l’umma du Prophète entre le Ier/VIIe et le IIe/VIIIe siècle également. Le chapitre 7 aborde le motif du Prophète comme roi des Arabes et le serment sous l’arbre à Ḥudaybiya, et le chapitre 8 les récits de l’hégire et de la fondation de l’umma à Médine. Le chapitre 9 est dédié aux batailles fondatrices, Badr et Uḥud. La quatrième partie est consacrée au processus d’hagiographisation et de sacralisation de la figure de Muḥammad entre le IIe/VIIIe et le IIIe/IXe siècle. Le chapitre 10 traite de la théophanie du Prophète et des récits de la rencontre avec le divin, le 11 les récits de miracles. Enfin dans le chapitre 12, nous nous penchons sur la vénération du corps de Muḥammad et des reliques.