Thèse soutenue

Troubles psychiatriques et migration : de l'ethnopsychiatrie à la justice sociale en santé mentale

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Auteur / Autrice : Édouard-Marie Leaune
Direction : Isabelle Delpla
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie mention histoire de la philosophie
Date : Soutenance le 31/03/2023
Etablissement(s) : Lyon 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de philosophie (Lyon ; Grenoble ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut de recherches philosophiques de Lyon
Jury : Président / Présidente : Élodie Giroux
Examinateurs / Examinatrices : Élodie Giroux, Magali Bessone, Richard Rechtman, Jean-Arthur Micoulaud-Franchi, Gilles Rode
Rapporteurs / Rapporteuses : Magali Bessone, Richard Rechtman

Résumé

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Issue des travaux du psychanalyste et anthropologue Georges Devereux, l’ethnopsychiatrie française s’intéresse principalement aux facteurs culturels dans la prise en charge des personnes migrantes, au détriment de la prise en compte des inégalités sociales de santé. Le manque de travaux académiques s’intéressant à la santé mentale des personnes migrantes sous l’angle de la justice sociale constitue ainsi un enjeu important pour la psychiatrie, la philosophie de la santé et la philosophie politique. Dans la première partie, nous avons réalisé une réinterprétation du cas de Jimmy Picard, décrit en 1951 par Georges Devereux dans l’ouvrage Psychothérapie d’un Indien des Plaines, dans lequel il postule que Picard confond rêves et réalité. Cette hypothèse est contredite par l’analyse des verbatim des rêves de Picard dans lesquels les thématiques de la perte de statut social, du vécu de la maladie, de la guerre, de l’acculturation ou encore de la discrimination, sont centrales. Ses rêves recèlent en effet de signes directs de son expérience passée et présente, vécue en tant qu’individu social dont le quotidien s’inscrit dans une réalité historique et politique qu’il perçoit avec acuité. Nous démontrons ainsi que l’analyse opérée par Devereux du cas de Picard s’inscrit dans une filiation intellectuelle avec les travaux du philosophe Lucien Lévy-Bruhl sur la mentalité prélogique. L’analyse de Devereux contrevient aux principes de l’anthropologie critique et de la philosophie du langage, à l’instar du principe de charité, notamment par l’inflation interprétative que génère le complémentarisme entre psychanalyse et anthropologie.Dans la seconde partie, nous discutons l’intérêt des approches hégéliennes par la reconnaissance et de l’extension des théories redistributives à la santé pour fonder une approche de la santé mentale des personnes migrantes au prisme de la justice sociale. En nous appuyant sur l’analyse critique des approches de Norman Daniels et de Sridhar Venkatapuram, nous dégageons une liste de cinq principes de bases qui comprennent des enjeux épistémologiques, épidémiologiques, politiques, empiriques et théoriques. L’articulation entre l’approche rawlsienne de la justice sociale en santé établie par Norman Daniels et la définition du trouble mental de Jerome Wakefield répond adéquatement à la liste des principes établie à partir du concept, que nous établissons, de « dysfonction préjudiciable en termes d’opportunité ». La complémentarité entre Daniels et Wakefield permet en effet de fonder les bases d’une philosophie normative orientée vers la responsabilité sociale en santé et la délibération politique, prenant en compte les enjeux de redistribution et de reconnaissance à partir de la liste des biens premiers établie par Rawls, tout en offrant une définition du normal et du pathologique dans le champ de la santé mentale. La place centrale donnée aux déterminants sociaux de la santé, et notamment à la discrimination raciale, constitue un paradigme renouvelé de la santé mentale des personnes migrantes pour repenser les pratiques professionnelles et l’organisation du système de santé.