Thèse soutenue

Fondement intertextuel de l’utopie de Pedro Henríquez Ureña : recherche sur la construction de la pensée sociale en amérique latine

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Auteur / Autrice : Pedro José Ortega Espinal
Direction : Patrice Vermeren
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 18/12/2020
Etablissement(s) : Paris 8
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Pratiques et théories du sens (Saint-Denis, Seine-Saint-Denis ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoires d'études et de recherches sur les logiques contemporaines de la philosophie
Jury : Président / Présidente : Pierre-François Moreau
Examinateurs / Examinatrices : Leopoldo Artiles, Cecilia Sánchez, Stéphane Douailler
Rapporteurs / Rapporteuses : Adriana Rodríguez Pérsico

Résumé

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Ce travail poursuit trois objectifs spécifiques, qui sont les suivants : 1) étudier et schématiser la pensée utopique de Pedro Henríquez Ureña et sa relation intellectuelle avec d’autres penseurs de son temps ; 2) examiner ses principales influences, les principes et les fondements qui lui ont servi pour concevoir le développement culturel de l’Amérique Latine ; et 3) décrire les lignes de transmission de ses idées et la validité actuelle de ses idéaux.En suivant une stratégie d’analyse intertextuelle, nous examinons en première instance la conférence La utopía de América, prononcée par Henríquez Ureña en octobre 1922 à l’Université de La Plata en Argentine. Et ceci parce que cette intervention représente, pour ce travail, une « proclamation d’indépendance utopique » par rapport aux utopies européennes et anglo-américaines. L’utopie est née en Occident comme modèle pour la création de cités idéales et imaginaires, alors que dans l’Amérique Latine elle est née comme un projet pratique de transformation politique et sociale. Nous proposons ici quelques exemples qui vont des discours et des écrits que fray Bartolomé de las Casas a rédigés à l’époque de la colonisation, en défense de l’humanité des indigènes et dans l’objectif de mettre fin à leur esclavage et à leur extermination, jusqu’aux utopies indépendantistes politiques, sociales et régionalistes proposées au long des deux derniers siècles de notre ère.La pensée utopique de Henríquez Ureña convertit cette histoire en synthèse d’une sensibilité d’époque partagée avec d’autres penseurs de son temps qui influencèrent son œuvre, comme José Enrique Rodó, entre autres. Avec la « proclamación del derecho a la utopía », l’idéal invite en Amérique Latine à mettre en œuvre un projet effectif et réalisable qui cherche à donner un sens universel à la construction de la culture, des formes d’expression et des relations sociales : il s’agit donc d’un nouvel humanisme. C’est ainsi qu’est né un nouveau langage, un tournant interprétatif grâce auquel L’Amérique Latine devait être pensée à partir d’elle, sans perdre de vue l’histoire et les influences qui l’avaient fécondée, pour faire valoir devant le monde sa propre originalité. Dans ce nouveau langage, le nationalisme politique et le nationalisme culturel sont substitués par le nationalisme culturel ; les propositions d’identité nationale et culturelle sont repensées face à la nécessité d’encourager la diversité des formes d’expression ; l’utilitarisme économique et l’individualisme politique commencèrent à être remis en question à partir de valeurs comme la coopération, la solidarité, la justice sociale et la liberté ; l’instrumentalisation de la vie dérivée du positivisme scientifique fut repensée pour laisser le champ à la passion, à la création et aux impératifs du développement spirituel ; les tendances hégémoniques de l’uniformité et du blanchiment racial et ethnique furent combattues au bénéfice de l’unité, de la pluralité, de la diversité, de la synthèse des traditions et des nouveaux courants sociaux ; enfin, ce nouveau langage proposa de construire une société ample, variée et élargie, au lieu d’une société basée sur l’uniformité, la fermeture et l’exclusion.Dans un second moment de ce travail, j’étudie quelques-unes des influences de la pensée utopique de Henríquez Ureña : l’héritage de la Grèce classique, l’héritage de la Renaissance et l’héritage moderne. De là sont extraites les sources du réalisme que le penseur caribéen transpose à l’utopie quand il signale que celle-ci n’est pas un vain jeu d’imaginations puériles, ce qui à son tour lui révèle l’importance qu’acquiert l’éducation dans le développement culturel qu’il aborde.