Thèse soutenue

"Je crois que je suis nulle part" : recherche de lieux dans les récits de Samuel Beckett

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Hélène Fournier Lavergne
Direction : Georges Mailhos
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature française
Date : Soutenance en 1998
Etablissement(s) : Toulouse 2

Mots clés

FR

Mots clés contrôlés

Résumé

FR  |  
EN

L'étude diachronique des textes narratifs de Beckett révèle la mise en place d'une topographie propre à l'univers singulier de cet écrivain. Dans les premiers récits, écrits en anglais, "Dream of fair to middling women", et "More pricks than kicks", des doubles du jeune Samuel Beckett évoluent à Dublin. L'esthétique est réaliste, l'écriture chargée. Le sentiment du héros pour son pays natal est à la fois d'attachement et d'étrangeté. Les romans suivants - Murphy et Watt - développent la tentation solipsiste du héros et introduisent le thème de la folie - définie comme absence à l'espace des autres. Dans "Wat"t, puis dans les premiers récits en français, le décor devient anonyme mais renvoie étrangement à l'Irlande. Parallèlement au changement de langue par lequel Beckett semble s'arracher à lui-même, s'opère une autre métamorphose essentielle et en apparence contradictoire : à partir des nouvelles, écrites après la guerre, le héros beckettien devient aussi narrateur. Dans la trilogie, ce narrateur est aussi celui qui écrit, et on est tenté de l'identifier à la personne même de l'écrivain irlandais. Toutefois celui qui parle, qui écrit ici, n'est pas l'homme Beckett qui vit dans notre monde. Il est en un lieu "autre part" qu'à partir des années 60 les récits de Beckett s'efforceront de susciter. Or, ce lieu intime est par essence indicible, ne pouvant être dit qu'avec le langage des autres, qui se réfère au monde des autres. Pour en parler, l'écrivain n'aura d'autre ressource que d'évoquer sa séparation d'avec le monde, son exil. Dire le monde à distance, c'est pour la part écrivante de Beckett, le seul moyen de se dire. C'est ainsi que Beckett nous parle paradoxalement du monde avec émotion et nostalgie. La forme narrative n'est alors qu'une apparence pour des textes épurés qui ont en réalité et de plus en plus à voir avec la poésie, et ou se constitue peut- être le seul lieu propre a Beckett.