Thèse soutenue

Enjeux et défis des zonages prescriptifs de l'action publique, l'exemple des zonages déficitaires en medecins généralistes en France

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Auteur / Autrice : Catherine Mangeney
Direction : Julie Vallée
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Géographie et aménagement
Date : Soutenance le 07/12/2023
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Géographie-cités (Paris ; 1998-....)
Jury : Président / Présidente : Claude Grasland
Examinateurs / Examinatrices : Julie Vallée, Claude Grasland, Sophie de Ruffray, Bruno Ventelou, Patrick Hassenteufel, Gladys Ibanez
Rapporteurs / Rapporteuses : Sophie de Ruffray, Bruno Ventelou

Résumé

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En France, comme ailleurs dans le monde, la lutte contre les difficultés d'accessibilité spatiale aux soins constitue depuis deux décennies un enjeu central et une priorité des politiques publiques de santé. Depuis 2005, la législation française prévoit que, dans chaque région, soient délimitées des zones considérées comme en déficit en matière d'offre médicale. Les médecins qui y exercent ou qui viennent s'y installer peuvent bénéficier d'un certain nombre d'aides publiques, l'objectif étant de favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé de ville. Face au constat d'efficacité limitée de cette politique publique, les mesures mises en œuvre sont régulièrement remises en cause de même que la méthodologie de délimitation du « zonage médecins ». Cette thèse est consacrée à questionner cette méthodologie de zonage. Un détour socio-historique préalable retraçant le processus de genèse de cet instrument d'action publique permet de comprendre que le zonage médecins actuel, dans sa forme purement incitative, est un outil de compromis façonné en partie par des enjeux pragmatiques dont il ne peut être fait abstraction. Je démontre ensuite pourquoi, en tant qu'instrument d'une politique publique de discrimination positive, les enjeux d'équité et de justice sociale et/ou spatiale s'imposent à l'instrument et j'explicite en quoi les méthodes de zonage actuelles sont largement conditionnées par un présupposé plus fantasmé qu'avéré d'un lien entre territoires en difficulté d'accessibilité spatiale aux médecins généralistes et territoires socialement défavorisés. A tel point que les méthodes de zonage actuelles reposent sur des critères sociaux autant que sur la mesure des niveaux d'accessibilité spatiale aux soins ce qui dénature la fonction même de ce zonage dont on ne sait plus s'il cible des territoires en difficulté d'accès aux soins ou bien s'il ne cible plus que des territoires en difficulté sociale. Dans cette thèse, je réintègre la dimension sociale des besoins au sein de la mesure des niveaux d'accessibilité spatiale aux médecins afin d'identifier, à partir du cas francilien, les territoires où les populations ont le plus de difficultés potentielles d'accessibilité spatiale aux médecins généralistes compte tenu de leurs caractéristiques sociales. J'explicite les choix sous-jacents de la méthode de mesure. En procédant par scénarios, je montre qu'en Île-de-France, la réalité représentée diffère très sensiblement selon les paramètres intégrés au modèle de mesure, soulignant ainsi l'importance à « repolitiser » la mesure (avant même l'étape de sélection) puisque les normes produites par les choix opérés dessinent implicitement (alors qu'ils devraient traduire explicitement) une vision spécifique de là où l'on souhaite aller. Je montre également qu'il est possible de repolitiser l'étape de sélection des « portions d'espaces » qui seront intégrées - ou exclues - du zonage en la fondant, plus que cela n'est fait aujourd'hui, sur les caractéristiques des populations concernées, sur une volonté d'articulation des différentes politiques publiques et sur les contraintes qui s'imposent aujourd'hui au zonage pour asseoir son efficacité potentielle (acceptabilité par les professionnels de santé). Mes modélisations illustrent également que procéder par scénarios permet de proposer plusieurs possibles de la réalité dont on cherche à produire une représentation. Cela permet de mobiliser la quantification bien comme un outil de gouvernement et non pas comme un outil de preuve idéalisé, en testant - de manière dépassionnée - l'impact géographique et populationnel de telle ou telle intention ou revendication politique. Ainsi, mes modélisations montrent par exemple, qu'au-delà des questions morales, de faisabilité ou de risques induits, rendre le zonage coercitif pourrait n'avoir que peu d'effets opérationnels en Île-de-France, surtout si le zonage est conservé dans ses contours actuels.