Thèse soutenue

Expliquer les différences biologiques entre les hommes et les femmes par des mécanismes de genre

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Auteur / Autrice : Hélène Colineaux
Direction : Benoît LepageMichelle Kelly-Irving
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Epidémiologie
Date : Soutenance le 21/04/2023
Etablissement(s) : Toulouse 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Mathématiques, informatique et télécommunications (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'Epidémiologie et de Recherche en santé des Populations de Toulouse (2021-....)
Jury : Président / Présidente : Anne Bouloumié
Examinateurs / Examinatrices : Benoît Lepage, Michelle Kelly-Irving, Gwenn Menvielle, Pierre-Yves Geoffard, Cristian Carmeli
Rapporteurs / Rapporteuses : Gwenn Menvielle, Pierre-Yves Geoffard

Résumé

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Introduction. La charge allostatique est utilisée en épidémiologie pour explorer la façon dont l'environnement social des individus construit leur biologie et leur santé. Cette mesure est calculée à partir de biomarqueurs dont on observe que les distributions sont différentes en fonction du sexe. Ces différences sont-elles physiologiques, liées au dimorphisme sexuel, ou s'expliquent-elles, au moins en partie, par des mécanismes sociaux, liés au genre ? Pour répondre à cette question, il était nécessaire au préalable de clarifier certains points, notamment : qu'est-ce que le genre et comment le penser, le mesurer, le capturer en épidémiologie ? A partir de différentes conceptualisations du genre, nous avons élaboré des stratégies méthodologiques. Nous avons ensuite confronté les différentes stratégies aux données, pour répondre à 4 objectifs : (1) Y a-t-il des différences biologiques entre les hommes et les femmes ? (2) Ces différences varient-elle lorsque l'environnement précoce varie ? (3) Ces différences s'expliquent-elles, au moins en partie, par des mécanismes de genre ? (4) Ces différences varient-elles lorsque les caractéristiques socio-comportementales au cours de la vie varient ? Méthodes. Pour répondre aux objectifs, nous avons utilisé deux bases de données : la cohorte britannique de naissance NCDS-58 (population de 44-45 ans) et l'enquête française CONSTANCES (population de 40-50 ans). Nous avons exploré des mesures anthropométriques, des biomarqueurs cardiovasculaires, métaboliques, inflammatoires, neuroendocriniens et autres, et un score allostatique, calculé de plusieurs façons. Trois conceptualisations du genre ont été utilisées : (a) le genre comme caractéristique individuelle, mesuré par un score de genre défini à partir de caractéristiques socio-comportementales ; (b) le genre comme effet du sexe sur les caractéristiques socio-comportementales ; (c) le genre comme interaction entre le sexe et l'environnement social. Pour les analyses, nous nous sommes appuyés sur la méthodologie des analyses causales, de médiation et d'interaction, basée sur le raisonnement contrefactuel. Nous avons estimé les différents effets en utilisant la méthode de g-computation sur données bootstrappées et imputées. Résultats. Nous avons observé que les taux de tous les biomarqueurs, sauf le cortisol, étaient significativement différents entre les femmes et les hommes. La taille des effets était plus importante que celle de la défavorisation sociale précoce, sauf pour deux biomarqueurs inflammatoires. Les mesures biologiques étaient plus défavorables chez les hommes, sauf pour la fonction respiratoire et la plupart des biomarqueurs inflammatoires. La défavorisation sociale précoce avait un effet plus fort chez les femmes sur le taux de lipides, l'IMC, certains marqueurs inflammatoires et les scores allostatiques. Nous avons identifié trois types de mécanismes de genre pour expliquer ces différences Hommes-Femmes : (1) Médiation de l'effet du sexe par des mécanismes de genre (si les individus avait été genré·e·s de la même façon ou avait eu les mêmes caractéristiques socio-comportementales, l'écart entre les femmes et les hommes aurait été moins élevé) ; (2) Atténuation de l'effet du sexe par des mécanismes de genre (l'écart entre les hommes et les femmes aurait été plus élevé) ; (3) Différence d'effet selon l'environnement social (l'effet du sexe peut être réduit ou augmenté selon l'exposition sociale précoce ou d'autres caractéristiques sociales comme le niveau d'éducation). Discussion. Les différences biologiques Hommes-Femmes concernent de nombreux biomarqueurs et sont plus larges que celles observées entre d'autres groupes sociaux. Elles ne sont cependant pas purement expliquées par des mécanismes biologiques et varient en fonction de l'environnement social. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives, tant en termes d'applications potentielles que de méthodologie et de compréhension de l'incorporation biologique genrée.