Thèse soutenue

L'évolution de la recombinaison chez les espèces autogames : approche théorique et étude génomique du déséquilibre de liaison entre mutations délétères chez plusieurs espèces d'Angiospermes

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Auteur / Autrice : Roman Stetsenko
Direction : Denis RozeHenrique TeotónioSylvain Glémin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'évolution
Date : Soutenance le 18/09/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Evolutionary biology and ecology of algae (Roscoff, Finistère ; 2014-....)
Jury : Président / Présidente : Guillaume Achaz
Examinateurs / Examinatrices : Claire Mérot
Rapporteurs / Rapporteuses : Susan Johnston, Sylvain Gandon

Résumé

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La recombinaison génétique est un élément constitutif du cycle sexué des Eucaryotes, et est souvent considérée comme l’un des principaux avantages de la reproduction sexuée. Elle est la conséquence de crossing-over se produisant pendant la méiose, permettant la formation de gamètes recombinants. Or, le nombre et la position de ces crossing-over le long du génome est très variable entre espèces, ainsi qu'entre individus au sein d'une même espèce. Malgré le fait que des contraintes mécaniques liées à la ségrégation des chromosomes pendant la méiose peuvent imposer un nombre minimal et maximal de crossing-over, plusieurs résultats empiriques montrent que les taux de recombinaison peuvent évoluer rapidement. De façon intéressante, on observe souvent des taux de recombinaison plus élevés chez les espèces hermaphrodites autogames par rapport aux espèces allogames, suggérant que la recombinaison est plus fortement favorisée chez les autogames. Une première partie de la thèse a consisté à développer des modèles théoriques permettant de mieux comprendre cet effet de l'autofécondation sur l'évolution de la recombinaison. Un premier modèle a considéré l'évolution d'un gène "modificateur" affectant le nombre moyen de crossing-over par chromosome, en présence de mutations délétères se produisant le long des chromosomes. Les approximations analytiques ainsi que les résultats de simulation montrent que, sous des valeurs de paramètres réalistes, la sélection pour la recombinaison est généralement plus forte chez les espèces autogames ; par ailleurs, cette sélection est principalement due au déséquilibre de liaison négatif entre mutations délétères généré par l'effet Hill-Robertson (un effet stochastique lié à la taille finie des populations). Un deuxième modèle de simulation a exploré des scénarios plus réalistes concernant l’architecture génétique de la variation des taux de recombinaison, ainsi que la distribution des crossing-over le long des chromosomes. Les résultats montrent notamment que des taux de recombinaison plus élevés peuvent être maintenus lorsque cette distribution n'est pas uniforme, ou lorsque l'effet des modificateurs de recombinaison est restreint à une portion de chromosome. La deuxième partie de la thèse a porté sur une estimation empirique du déséquilibre de liaison entre mutations délétères (une composante importante de la sélection pour la recombinaison), en utilisant des données génomiques issues de populations naturelles de la plante allogame Capsella grandiflora, ainsi que des plantes fortement autogames Arabidopsis thaliana et Capsella orientalis. Cette étude met en avant plusieurs biais méthodologiques pouvant générer du déséquilibre de liaison positif entre mutations délétères. Une première source de biais se produit lorsque l'analyse est restreinte aux mutations présentes en faible fréquence. En effet, des mutations en fréquences similaires ont tendance à être en déséquilibre de liaison positif. Une deuxième source de biais peut être générée par la présence de duplications présentes à l'état polymorphe dans l'échantillon, et absentes du génome de référence. Ainsi, le déséquilibre de liaison positif entre mutations délétères observé lors de précédents travaux (notamment chez C. grandiflora) résulte probablement en grande partie de ces biais. Chez l'espèces autogame A. thaliana (chez qui les duplications présentes à l'état polymorphe sont plus faciles à détecter) on observe néanmoins du déséquilibre de liaison positif entre mutations délétères, pouvant être causé par des effets épistatiques ou par la forte structure spatiale observée chez cette espèce. Les implications de ces différents résultats théoriques et empiriques sont enfin discutées afin d'en dégager des perspectives pour des travaux futurs.