Thèse soutenue

La reproduction chez l’algue rouge Gracilaria gracilis : démographie, interactions biotiques et sélection sexuelle

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Auteur / Autrice : Emma Lavaut
Direction : Myriam ValeroMarie-Laure Guillemin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'évolution
Date : Soutenance le 27/06/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Evolutionary biology and ecology of algae (Roscoff, Finistère ; 2014-....)
Jury : Président / Présidente : Julien Gasparini
Examinateurs / Examinatrices : Mathilde Dufaÿ, Xavier Vekemans
Rapporteurs / Rapporteuses : Agnès Mignot, Stacy A. Krueger-Hadfield

Résumé

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Les algues rouges ont un cycle de vie avec une alternance de phases haploïdes et diploïdes, comprenant trois types d’individus : les tétrasporophytes diploïdes et les gamétophytes mâles et femelles haploïdes. Les particularités de leur reproduction sont que: les gamètes mâles ne possèdent pas de flagelle, les gamètes femelles (carpogones) ne sont pas libérés et après fécondation le zygote se développe sur la femelle en une structure appelée cystocarpe. Sans flagelle, le transport des spermaties jusqu’aux gamètes femelles dépend des mouvements d’eau. Les objectifs de la thèse sont d’étudier les conséquences de ce cycle sur le fonctionnement démographique et génétique d’une population naturelle par un suivi exhaustif temporel des individus de l’algue rouge Gracilaria gracilis, ainsi que les stratégies évolutives mises en place pour favoriser la rencontre des gamètes. Premièrement, la fréquence, la fertilité et la survie des individus ont été suivies dans le temps et valident les prédictions des modèles démographiques sur le maintien du cycle haploïde-diploïde et sur la dynamique de cette population, caractéristique d’une espèce pérenne. Les résultats confirment la forte survie des individus (la moitié sont encore présents 25 ans après les premiers relevés) et la faible croissance démographique de la population. Ce suivi a permis de mettre en évidence la présence de“variants du cycle”: soit haploïdes portant des organes mâles et femelles, soit diploïdes portant tétraspores et des organes mâles et/ou femelles ou encore des tétrasporophytes portant des gamétophytes en épiphytes. Les conséquences évolutives de ces variations (présentes à une fréquence de 5%) sur le maintien du cycle de vie haplo-diplophasique et sur la mise en place de barrières reproductives sont discutées et constituent des perspectives de recherche intéressantes. Ce suivi a aussi révélé la présence en très forte fréquence d’isopodes (Idotea balthica) mimétiques et agrippés aux frondes de la gracilaire. Cet animal a donc été sélectionné comme modèle susceptible de transporter les gamètes mâles de l’algue jusqu’au femelles. Deuxièmement, une approche expérimentale et des observations en microscopie confocale ont permis de mettre en évidence une fécondation assistée par I. balthica chez G. gracilis. Ce résultat montre, pour la première fois, l’implication d’interactions biotiques dans la dispersion des gamètes d’une algue rouge (similaires à la pollinisation chez les plantes), alors que le dogme était que les fécondations se faisaient uniquement grâce aux mouvements d’eau. Cela interroge sur l’origine de la pollinisation qui pourrait être beaucoup plus ancienne que la radiation des angiospermes. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives de recherche sur la généralisation de cette fécondation assistée par les animaux chez les algues rouges et l’étude des éventuels mutualismes. Finalement, parmi les mécanismes évolutifs intervenant dans la reproduction, la sélection sexuelle a été largement étudiée chez les animaux, plus rarement chez les plantes et encore moins chez les algues. Pour tester son importance chez la gracilaire, le succès reproducteur et le nombre de partenaires des mâles et femelles ont été estimés grâce à des analyses de paternité effectuées dans la population naturelle. Les résultats ont montré que l’opportunité pour la sélection sexuelle est présente chez G. gracilis, espèce où le dimorphisme sexuel est pourtant absent. Chez les plantes, la pollinisation animale a joué un rôle sur leur coévolution avec les insectes et il est supposé que les traits impliqués dans l’attrait des pollinisateurs soient plus susceptibles d'être sous sélection sexuelle. Une autre perspective de la thèse est d’approfondir ce lien entre le rôle des animaux et les traits sous sélection sexuelle chez G.gracilis, tels que la phénologie de la reproduction ou la production de mucilage accompagnant la libération des gamètes.