Thèse soutenue

Liens entre le parasite d'amphibiens Batrachochytrium dendrobatidis et les biofilms benthiques de lacs de montagne pyrénéens

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Auteur / Autrice : Hugo Sentenac
Direction : Dirk S. Schmeller
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Ecologie Fonctionnelle
Date : Soutenance le 28/04/2023
Etablissement(s) : Toulouse, INPT
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l’univers, de l’environnement et de l’espace (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Écologie fonctionnelle et environnement (Toulouse ; 2007-2023)
Jury : Président / Présidente : Martina Rickauer
Examinateurs / Examinatrices : Dirk S. Schmeller, Martina Rickauer, Adeline Loyau, Béatrice Lauga, Jaime Bosch Perez
Rapporteurs / Rapporteuses : Trenton William John Garner, An Martel

Résumé

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Les écosystèmes d’eau douce de montagne fournissent des services essentiels à l’humanité, comme la provision d’eau claire, mais sont fortement affectés par les changements globaux anthropogéniques malgré leur apparente isolation. Les biofilms benthiques, communautés d’organismes vivant dans une matrice adhérant aux surfaces immergées, ont des fonctions critiques dans les lacs de montagne : entre autres, ils détoxifient l'eau et forment la base des réseaux trophiques. Toutefois, leur composition et leur biodiversité sont encore mal connues. Aussi, dans les Pyrénées, certaines populations d'amphibiens sont menacées par la chytridiomycose, une maladie infectieuse causée par le champignon zoosporique Batrachochytrium dendrobatidis (Bd). Son épidémiologie n'est pas entièrement comprise mais pourrait dépendre des biofilms, abondants dans les lacs d’altitude et constituant la nourriture des têtards. Ici, j’avais deux objectifs principaux : premièrement, étudier les variations spatio-temporelles de la biodiversité microbienne des biofilms ; deuxièmement, investiguer le potentiel rôle des biofilms dans l'épidémiologie des infections à Bd. Pour ce faire, j'ai réalisé une analyse métataxonomique des assemblages procaryotes et micro-eucaryotes de 230 échantillons de biofilms collectés de 2016 à 2020 dans 26 lacs d’altitude des Pyrénées. En combinant cela avec des données d'infection par Bd de têtards échantillonnés dans les mêmes lacs, j'ai exploré les liens entre la composition des biofilms et la distribution, la fréquence et l’impact populationnel des infections par Bd. En laboratoire, j’ai aussi testé si un biofilm pouvaient affecter le stade libre et infectieux de Bd, la zoospore. Mes hypothèses étaient que la biodiversité des biofilms diminuerait et leur composition changerait au cours de l'étude, que les biofilms des lacs dont les populations d’amphibiens sont moins infectées/impactées contiendraient plus d’antagonistes de Bd que les biofilms d’autres lacs, et que les biofilms produits en laboratoire n'affecteraient pas le nombre de zoospores à moins qu'ils ne contiennent des consommateurs de Bd. La diversité des assemblages procaryotes et micro-eucaryotes du biofilm a diminué au cours de la période d’étude. Leur composition a aussi changé pendant les cinq années, avec une augmentation des cyanobactéries (organismes possiblement toxinogènes) chez les procaryotes et une diminution des diatomées (organismes indicateurs) chez les micro-eucaryotes. Pris ensemble, ces résultats montrent que les communautés de biofilms benthiques se dégradent avec des implications potentiellement négatives pour tout l’écosystème aquatique et la qualité de l'eau. D’autre part, j'ai constaté que les biofilms des lacs où les amphibiens sont moins infectés et moins impactés présentaient une plus grande abondance d’organismes inhibiteurs ou consommateurs de Bd. Enfin, j'ai montré que les biofilms, même lorsqu'ils ne contiennent pas de consommateur de Bd mais ne serait-ce qu’une algue phototrophique, peuvent affecter les zoospores de Bd en les inactivant ou en les forçant à s’immobiliser. Mes recherches transdisciplinaires illustrent les interactions entre la santé environnementale et les santés animale et publique. Les changements environnementaux contemporains détériorent les biofilms, la base même des réseaux alimentaires des lacs de montagne. Ceci pourrait avoir de profonds effets en cascade sur l'ensemble des socio-écosystèmes de montagne, comme l'augmentation potentielle du risque infectieux posé par Bd et la chytridiomycose pour les amphibiens, et de cyanotoxicose pour tous les vertébrés qui fréquentent les lacs de montagne, y compris les humains et le bétail. Si l'on veut que les écosystèmes d'eau douce de montagne continuent à fournir des services plutôt que des disservices, il faudra rapidement identifier et atténuer les facteurs contribuant au changement des biofilms.