Thèse soutenue

Flexibilité des mécanismes de compréhension de la parole : L'utilisation d'indices acoustico-phonétiques et sémantiques dans la segmentation de la parole en français

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Auteur / Autrice : Maria del Mar Cordero Rull
Direction : Fanny Meunier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage
Date : Soutenance le 12/12/2023
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Bases, Corpus, Langage (Nice ; 2012-....)
Jury : Président / Présidente : Amanda Edmons
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Crouzet
Rapporteurs / Rapporteuses : Clara Martin, Frédéric Isel

Résumé

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La segmentation de la parole continue est un processus cognitif quotidien. Malgré l'absence de limites explicites entre mots, la compréhension de la parole semble aisée. Les paires de syntagmes déterminants (SD) phonémiquement identiques en élision, comme l'affiche-la fiche (prononcés /lafiʃ/), peuvent poser un défi. Dans ces cas, la segmentation précise devient cruciale pour la compréhension. Des études antérieures montrent que les auditeurs français dépassent les niveaux de hasard en discriminant et identifiant ces SD. Les analyses acoustiques révèlent des différences en durée et fréquence fondamentale (F0). Bien que ces indices ne soient généralement pas utilisés en segmentation du français, ces résultats suggèrent leur exploitation.La première partie de cette thèse comprend deux études explorant l'interaction des indices de bas (acoustiques) et haut niveau (sémantiques) dans le traitement de SD homophoniques (/lafiʃ/ ou l'amie-la mie (/lami/)). Les mesures comportementales ne révèlent pas directement la segmentation de la parole, mais éclairent probablement les processus post-segmentation. Deux expériences EEG saisit les corrélats neuronaux de l'exploitation des deux types d'indices lors de la perception de ces SD. Une tâche de jugement de phrases semi-passive (Expérience 1) et d'identification de mots (Expérience 2) testaient 51 francophones en manipulant l'attention vers le sens de la phrase (Exp. 1) ou la forme lexicale (Exp. 2). Les indices acoustico-phonétiques en contextes défavorables étaient attendus à générer des composantes ERP P3 et N400 par rapport aux contextes favorables, reflétant la détection acoustique inattendue et la difficulté de récupération lexicale. Des amplitudes P3 plus larges étaient observées en contextes favorables dans les deux expériences. L'effet inverse était observé significatif uniquement dans l'Expérience 2, avec des amplitudes N400 plus larges pour les contextes défavorables. Nos résultats suggèrent que les locuteurs français détectent les indices acoustico-phonétiques des SD homophoniques en élision. Cependant, l'accès lexical semble plus difficile lorsque l'attention est sur l'information lexicale plutôt que sémantique. L'information de haut niveau semble pertinente lors du traitement des phrases, tandis que celle de bas niveau est suffisamment saillante pour être détectée et traitée.La seconde partie examine comment deux populations gèrent les défis de segmentation sans contexte : adultes atteints de dyslexie développementale (DD) et apprenants français. L'Expérience 3 testait 49 adultes avec DD et 49 lecteurs typiques via une tâche de répétition de mots. Le rôle de deux paramètres F0 (moyenne et pente) était évalué, explorant l'impact des déficits phonologiques de la DD sur la segmentation. L'augmentation de la moyenne de F0 sur /a/ devait favoriser réponses aux items avec voyelle initiale pour les lecteurs typiques, mais prévoyait une sensibilité réduite chez les individus avec DD. Les résultats montraient plus de choix de voyelles initiales basée sur les propriétés de F0. L'absence d'interaction conditions×group suggère que les deux groupes adoptent des stratégies de segmentation similaires. Nos résultats soulignent le rôle crucial de la moyenne et la pente de F0 dans la segmentation du français.Enfin, l'Expérience 4 testait 31 locuteurs français et 22 apprenants (11 anglophones, 11 hispanophones) via une tâche de discrimination AX. Leur sensibilité aux indices acoustico-phonétiques de ces SD était examinée. Les anglophones et hispanophones utilisent des indices différents de ceux des locuteurs français, en se basant sur la durée, la F0 et l'intensité, et manquent une forme élidée d'article défini. Les résultats révélaient que les apprenants surpassent les natifs dans la discrimination des SD. Les apprenants bénéficient de leurs stratégies de L1, suggérant que les indices dans l'élision guident les locuteurs natifs et non natifs vers la segmentation des mots.