Thèse soutenue

Nutrition, adolescence et mémoire : rôle du système endocannabinoïde dans les différences entre mâles et femelles

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Auteur / Autrice : Matéo N'diaye
Direction : Pauline Lafenêtre
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences
Date : Soutenance le 12/12/2023
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la vie et de la santé (Bordeaux)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Nutrition et Neurobiologie Intégrée (Bordeaux)
Jury : Président / Présidente : Giovanni Marsicano
Examinateurs / Examinatrices : Anne-Marie Mouly, Christophe Magnan, Giuseppe Gangarossa, Aline Marighetto
Rapporteurs / Rapporteuses : Anne-Marie Mouly, Christophe Magnan

Résumé

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Grave problème de santé publique, l’obésité démarre de plus en plus tôt, touchant fortement les adolescents. Elle est principalement due à la surconsommation d’aliments riches en lipides saturés et en sucres, très palatables et facilement accessibles. En plus des comorbidités comme le diabète et les maladies cardiovasculaires, l'obésité est également associée à des atteintes cérébrales et des perturbations cognitives, particulièrement inquiétantes pour les adolescents. En effet, il est maintenant avéré chez l’homme, mais également sur les modèles animaux, que l’exposition à une alimentation obésogène, hyperlipidique et sucrée (HLS), en particulier pendant l’adolescence (adoHLS), induit des déficits de mémoires à long terme non aversive dépendantes de l’hippocampe. De façon intéressante, notre laboratoire a découvert que ces altérations de la mémoire proviennent d’un dysfonctionnement de l’hippocampe, induit par une hyperactivité neuronale associée à une suractivation d’un important système neuromodulateur, le système endocannabinoïde. Cependant, ces travaux ont été exclusivement menés chez des rongeurs mâles. Ce projet de thèse vise donc à étudier ces effets chez la femelle et à comparer les mécanismes neurobiologiques impliqués dans les altérations mnésiques induit par le régime adoHLS chez les deux sexes.Dans un premier temps, nous montrons que le régime adoHLS perturbe la mémoire de peur contextuelle à long-terme chez les souris mâles, mais pas chez les femelles. Ces effets sont associés à une suractivation de l’hippocampe dorsal, en particulier du gyrus denté, et de l’amygdale basolatérale chez les mâles adoHLS uniquement. L’inactivation chémogénétique de l’hippocampe dorsal atténue les déficits de mémoire de peur au contexte des mâles adoHLS indiquant le rôle prépondérant de l’hyperactivation de l’hippocampe dans leurs altérations mnésiques aversives ou non. Dans la deuxième partie, nous montrons que le régime adoHLS perturbe la mémoire de reconnaissance d’objet à long-terme chez les souris mâles et femelles. Le blocage systémique des récepteurs aux cannabinoïdes de type 1 (CB1R) juste après l’apprentissage réverse les déficits de mémoire des mâles et des femelles adoHLS indiquant le rôle prépondérant de ce système pour les deux sexes. Alors que cet apprentissage est associé à une hyperactivation Fos hippocampique chez les mâles adoHLS, normalisée par le blocage des CB1R, celui-ci est associé à une hypoactivation Fos de l’hippocampe et du cortex préfrontal ventromédian (CPFvm) chez les femelles adoHLS, normalisée par le blocage des CB1R uniquement dans le CPFvm. D’ailleurs, la diminution des CB1R de l’hippocampe dorsal prévient les déficits de mémoire des mâles, mais pas des femelles adoHLS. A l’inverse, la diminution des CB1R du CPFvm réverse les déficits mnésiques des femelles adoHLS, mais pas des mâles. De plus, ce sont les CB1R des neurones glutamatergiques (mais pas GABAergiques) de l’hippocampe dorsal qui sont impliqués chez les mâles adoHLS, alors que ce sont les CB1R des neurones GABAergiques (mais pas glutamatergiques) du CPFvm des femelles adoHLS qui participent à leurs déficits. Enfin, nous montrons qu’une ovariectomie « masculinise » le phénotype des femelles adoHLS avec des effets bénéfiques sur la mémoire de la diminution des CB1R de l’hippocampe dorsal mais plus du CPFvm. Ainsi, ces résultats indiquent que le régime adoHLS conduit à des perturbations de mémoire de reconnaissance d’objet dépendantes du système endocannabinoïde pour les deux sexes mais dans des structures cérébrales différentes et sur des types cellulaires différents en fonction du sexe. De plus ces différences dépendraient d'une modulation des hormones sexuelles femelles dont il reste à caractériser les mécanismes.Dans leur ensemble, ces données révèlent des différences mâle-femelle sur la nature des perturbations mnésiques induit par la consommation d’une alimentation obésogène pendant l’adolescence et leurs bases neurobiologiques.