Thèse soutenue

Psychopathologie de la sorcellerie, aliénation et travail de l’ancêtre. : la transmission psychique et socioculturelle dans la filiation togolaise à l’épreuve du modernisme.

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Auteur / Autrice : Nolhan Bansard
Direction : Aubeline VinayClaudine Veuillet-Combier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie clinique
Date : Soutenance le 07/04/2023
Etablissement(s) : Angers
Ecole(s) doctorale(s) : Éducation, Cognition, Langages, Interactions, Santé (ECLIS) (Nantes)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Cliniques contemporaines. Liens & Processus subjectifs (Angers) - Cliniques Contemporaines - Liens & Processus Subjectifs / CLIPSY
Jury : Président / Présidente : Évelyne Bouteyre
Examinateurs / Examinatrices : Patrick Denoux
Rapporteurs / Rapporteuses : Évelyne Bouteyre, Samuel Mbadinga

Résumé

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L’Afrique subsaharienne traverse depuis quelques décennies d’importantes transformations socioculturelles sur son territoire construisant sur les reliques de la colonisation, et sur la vague de la mondialisation, son propre modernisme. La problématique de la modernité africaine réside dans sa puissance de rupture par rapport à la tradition, la loi des ancêtres, qui la structure et donne corps aux identités individuelles comme collectives. Là où le recul des croyances religieuses, et le désenchantement du monde ont signé en Occident l’accès à la modernité, on observe à l’inverse sur le continent africain un ensorcellement du monde dont témoigne l’accrochage persistant à l’imaginaire spirituel et au recours à la sorcellerie. Nous avons travaillé pendant plusieurs années dans des centres de santé mentale au Togo, et ciblé au départ notre recherche sur les patients qui ont manifesté une crise psychotique aiguë. Ces patients, et leur famille utilisent des représentations imaginaires culturelles, et l’étiologie sorcellaire, pour mettre en mots leur souffrance psychique. Guidé par une méthode de recherche empirico-inductive, et par le dispositif ethnopsychanalytique, nous avons organisé le recueil des données cliniques en trois temps : avec des entretiens cliniques qui s’inscrivaient dans leur parcours hospitalier, avec un entretien clinique semi-directif de recherche centré sur les thématiques de la tradition et de la sorcellerie, et enfin avec la médiation projective de la libre-réalisation de l’arbre généalogique (LRAg). Notre souci constant fût de questionner le sens plurivoque que pouvait véhiculer la sorcellerie, à l’interface des psychismes et de la culture et de l’interroger dans sa fonction d’objet transgénérationnel témoignant de l’histoire du groupe-famille. Ainsi, notre étude nous a permis d’identifier, au-delà des cliniques de la psychose aiguë, le champ plus large, de ce que nous préférons appeler les cliniques psychopathologiques de la sorcellerie qui ont la particularité commune d’engager les enjeux de la transmission psychique et de la transmission socioculturelle en contexte togolais tradi-moderne. Nous proposons ainsi de discuter, à travers la psychopathologie de la sorcellerie comment le sujet utilise les représentations culturelles et groupales-familiales de la sorcellerie pour mettre du sens sur des éprouvés internes non-élaborés et conflictuels. Nos résultats mettent en exergue des vécus d’aliénation psychique en écho avec des conflits d’ordre intersubjectif et intrapsychique ; et des vécus d’aliénation socioculturelle en écho avec des conflits d’ordre transgénérationnel, intergénérationnel et interculturel. En attaquant le lien, l’étiologie sorcellaire le questionne et met au travail le négatif de la transmission et du lien. Nous proposons ainsi d’appeler travail de l’ancêtre, le travail psychique, conscient et inconscient, qui est mobilisé par le sujet tradimoderne à travers ses symptômes persécutifs pour questionner son ancrage dans la tradition ancestrale et dans la chaîne généalogique à laquelle il est assujetti.