Thèse soutenue

Le thème de la liberté excessive dans la philosophie politique ancienne (Platon, Aristote, Cicéron)

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Auteur / Autrice : René de Nicolay
Direction : Dimitri El MurrMelissa Sharon Lane
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philologie et philosophie de l'Antiquité à la Renaissance
Date : Soutenance le 09/05/2022
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres en cotutelle avec Princeton University
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Groupe de recherche Théories et histoire de l'esthétique, du technique et des arts (Villejuif, Val-de-Marne)
établissement de préparation de la thèse : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)
Laboratoire : Centre Jean Pépin (Villejuif, Val-de-Marne)
Jury : Président / Présidente : Arnaud Macé
Examinateurs / Examinatrices : Dimitri El Murr, Melissa Sharon Lane, Arnaud Macé, Olivier Renaut, Yelena Baraz, Hendrik Lorenz, Cinzia Arruzza, Katja Maria Vogt
Rapporteurs / Rapporteuses : Olivier Renaut

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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La thèse étudie les critiques formulées par Platon, Aristote et Cicéron à l'encontre du rapport à la liberté politique qui, selon eux, caractérise les sociétés démocratiques de leur temps. Les trois philosophes ont en commun une conception éthique de la politique, selon laquelle la cité a pour fin première de conduire les hommes à la vertu. Leurs situations historiques sont également similaires, puisque tous trois vivent à des époques où des mouvements démocratiques ou populaires formulent des demandes fortes. Pour Platon, Aristote comme Cicéron, ces mouvements politiques rendent impossible l'accomplissement de la tâche de la cité, dans la mesure où ils prônent l'extension maximale de la liberté populaire et individuelle. La thèse vise d'abord à restituer les arguments avancés par Platon, Aristote et Cicéron contre le désir de liberté des démocrates. Ceci implique d'examiner la conception de la liberté que se font ces philosophes eux-mêmes. La thèse vise donc à comprendre les critères par lesquels Platon, Aristote et Cicéron distinguent formes juste et injuste de liberté politique. Ces critères s'inscrivent tous dans la conception éthique de la liberté qui rassemble ces trois philosophes, mais ils varient chez chacun d'entre eux. Pour Platon dans la République, par exemple, la liberté démocratique est excessive dans la mesure où elle donne libre cours à des désirs "non nécessaires," incapables de satisfaire l'être humain comme la vertu saurait le faire. Pour le même Platon, dans les Lois, la liberté politique est excessive lorsqu'elle est fondée sur une prétention déraisonnable à se gouverner soi-même, qui rend les citoyens démocratiques rétifs à toute forme d'autorité. Pour Aristote, les démocrates ont tort de croire que le pouvoir doit être distribué sur une autre base que la vertu politique ; en particulier, que la possession d'un statut légal libre (par opposition au statut servile) donne un titre à gouverner. Pour Cicéron, enfin, la liberté politique a toute sa place dans le régime mixte qu'il défend ; elle devient excessive lorsque l'élite politique décide d'accorder au peuple plus de liberté que le régime mixte n'en requiert, poussant les citoyens à réclamer toujours davantage d'indépendance à l'égard des magistrats et des lois. La thèse entend ensuite retracer le diagnostic posé par Platon, Aristote et Cicéron sur l'amour dévoyé de la liberté qui caractérise les revendications démocratiques. Si l'erreur des démocrates doit être dissipée, il faut saisir la façon dont les conditions politiques de la démocratie font naître dans l'âme des citoyens un attachement irrationnel pour la liberté. Dans le Gorgias, Platon met en cause le régime démocratique et l'impérialisme athénien, qui flattent le peuple en renonçant à l'éduquer. Dans la République, il montre comment la démocratie, alors qu'elle offre initialement à ses citoyens des moyens de satisfaire leurs désirs, finit par leur faire considérer la liberté comme une fin en soi et une priorité. Les Lois accusent une révolution musicale d'avoir empli l'âme des citoyens d'arrogance, au point de croire qu'ils pouvaient se gouverner eux-mêmes en tout. Aristote voit dans la fierté des citoyens démocratiques pour leur statut libre la cause de leur fétichisme de la liberté politique. Cicéron, enfin, juge l'élite responsable de la permissivité qu'il saisit par le terme de licentia : le peuple ne formule des demandes excessives de liberté que parce que l'élite a montré l'exemple, en prenant ou en octroyant des permissions injustifiées. In fine, la thèse propose une généalogie de notre concept de licence, montrant comment Cicéron saisit, par le terme de licentia, des réflexions platoniciennes et aristotéliciennes sur la tendance démocratique à chérir la liberté outre-mesure. Même si nous trouvons à redire aux critiques de la démocratie offertes par ces philosophes, leur étude nous offre des outils analytiques pour comprendre un concept politique fondamental.